Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com
Vêtue d’un pantalon jeans bleu assorti d’un pullover noir, Ravenne, 22ans, s’est présentée devant le juge du Tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé le 28 juillet 2021 à la demande d’Eliot, son ex fiancé. Elle est venue prêter main forte au père de son fils, qui a saisi cette juridiction d’une requête en reconnaissance d’enfant. Dès l’appel du dossier, le tribunal a relevé quelques irrégularités dans le dossier de procédure soumis à son appréciation. Notamment sur le nombre de témoins présents à l’audience et un document qui a suscité sa curiosité. En effet, Eliot a fait comparaître deux témoins au lieu de trois comme l’avait demandé le juge lors de la dernière audience. En prenant connaissance du dossier, le tribunal a également constaté la présence d’un test ADN. «Pourquoi avoir annexé une expertise médicale dans ce dossier? c’est rare de voir un tel document dans le cadre d’une affaire de reconnaissance d’enfant sauf si le tribunal en fait la demande», a fait remarquer le juge.
Pour éclairer le tribunal, Eliot est revenu sur la genèse de son histoire d’amour avec Ravenne. Le jeune couple, qui s’est donné en spectacle en public, se sont rencontrés en début d’année 2020. Ils sont très vite tombés amoureux l’un de l’autre. La dame était étudiante, tandis que son amant est un fonctionnaire. Six mois après leur rencontre, Eliot a fait sa demande en mariage à sa dulcinée. Il est allé voir les parents de cette dernière pour matérialiser son intention de l’épouser. Les deux tourtereaux ont décidé de s’installer ensemble avant d’officialiser leur relation. Seulement, le 25 décembre 2020, jour de Noël, au tour d’une table bien garnie, le couple a mis fin à leur idylle.
Mariage annulé
Après leur séparation, Ravenne est allée vivre chez ses parents. Un mois plus tard, elle a annoncé à son ex fiancé qu’elle attendait un enfant de lui. «Quand elle a quitté ma maison, je ne savais pas qu’elle était enceinte. La première échographie n’a rien révélé, c’est la deuxième effectuée en avril 2020, qui a certifié qu’elle était enceinte. Au départ, je n’étais pas convaincu d’être l’auteur de sa grossesse. Pour assoir ma conviction, j’ai fait recourt à la science en effectuant un test ADN après la naissance de l’enfant», a-t-il confié. Persuadé d’être le père de l’enfant, Eliot a dont saisi le TPD de Yaoundé pour reconnaitre son fils, né le 23 juillet 2020. Les délais devant l’officier d’état civil ayant été dépassés, le tribunal reste le seul recours d’Eliot pour revendiquer son droit de paternité.
Interrogée, Ravenne a pour sa part expliquée au tribunal le climat qui a régné entre les deux familles après la rupture de ses fiançailles avec Eliot. Il y a eu une grosse incertitude qui a plané au départ jusqu’à ce que la science confirme le lien de parenté qui existe entre le père et l’enfant dont la reconnaissance est sollicitée. Elle déclare qu’à l’annonce de sa grossesse, son ex conjoint a rejeté toutes responsabilités et a soupçonné quelqu’un d’autre comme étant l’auteur de la grossesse. «Moi aussi je ne savais pas que j’étais enceinte quand nous nous séparés le 25 décembre. Durant la grossesse, il y a eu des conflits entre les deux familles C’est sa mère qui a effectué le test d’ADN pour se rassurer», a-t-elle déclaré.
Chantage
Pour convaincre le tribunal de ses allégations, Eliot a fait comparaitre ses deux frères comme témoins. Ces derniers ont corroboré à quelques détails près les déclarations de leur aîné. Ils ont ajouté que leur famille a été surprise lorsque Ravenne a annoncé sa grossesse un mois après l’annulation de leur mariage. «C’était devenu un sujet de chantage pour la dame. On ne comprenait pas comment à peine le mariage annulé, elle annonce qu’elle est enceinte. Raison pour laquelle nous avons effectué un test ADN», a déclaré l’un des frères d’Eliot. Curieusement, Ravenne ne s’est pas fait accompagnée dans cette procédure. Elle explique qu’elle a été informée de la date d’audience la veille, et que ses parents, qui ne s’opposent pas à la démarche judiciaire d’Eliot, sont néanmoins au courant qu’elle est venue soutenir son ex fiancé.
Pour le tribunal, Eliot n’est toujours pas convaincu d’être le père de l’enfant qu’il souhaite reconnaitre. Au départ, soutient le juge, il n’était pas sûr d’être le père. Il a fait confiance à la médecine pour assoir sa conviction. Jusqu’à ce que l’enfant naisse, Eliot ne voulait pas assumer ses responsabilités. «Pourquoi ne pas garder ce test ADN à la maison comme secret de famille?», a interrogé le juge avant d’ajouter «La présence de ce document dans le dossier de procédure prouve que vous ne voulez pas dissimuler vos doutes au tribunal. Même jusqu’à présent, vous n’êtes pas convaincu d’être le père de cet enfant si non, vous ne nous auriez pas raconté l’histoire de cette grossesse», a conclu le tribunal avant de renvoyer l’affaire au 28 août 2021 pour enquête et réquisitions du ministère public.