«Où va le Barreau du Cameroun» ? Cette interrogation peut paraître provocatrice, mais peut-être aura-t-elle au moins le mérite d’interpeller les avocats que nous sommes. En regardant aujourd’hui cette noble et digne profession, l’on serait tenté de dire comme notre éminent confrère Jean Denis Bredin, avocat au Barreau de Paris, qui a choisi pour le titre de l’un de ses livres, sur l’avocature : «rien ne va plus».
Sans vouloir céder aux abus contemporains de langage, nous pouvons affirmer dans ce 21eme siècle si difficile pour la Justice, que notre barreau est en crise, crise qui s’est aggravée par le décès du bâtonnier en exercice, évènement tragique, inédit et d’une grande tristesse, pour sa famille, ses proches et ses confrères, laissant ainsi toute notre corporation dans le plus grand désarroi. Ayons à nouveau une pensée pieuse pour le repos de son âme.
La crise sus-évoquée est réelle, si elle perdure, elle peut être dangereuse pour l’existence de notre barreau. Antonio Gramsci, philosophe et homme politique italien de la fin du 19eme siècle proposait cette formule : «une crise, c’est lorsque le vieux meurt et que le jeune n’est pas encore prêt à naître.»
Il faut rebâtir notre maison commune, le Barreau du Cameroun, sur un socle plus fort, plus solidaire, plus uni, c’est une œuvre difficile, mais exaltante qui doit être menée sans tarder, ici et maintenant.
Quand le patient suffoque, les médecins n’ont plus le temps de se demander qui d’Hippocrate ou de Galien a raison. Ils soignent et au besoin opèrent, pour le maintenir en vie. Faute d’une orientation nouvelle, fondée sur des réflexions nourries, notre barreau s’enlisera dans le bruit et la fureur. Il apparaît aujourd’hui comme tétanisé par les évènements de l’heure, recroquevillé sur lui-même, subissant une lente agonie.
Rien ne sert de s’en offusquer, mais notre barreau doit affirmer ses ambitions, et se donner les moyens pour les réaliser. Il ne peut se contenter de rester aphone et immobile, face aux évènements et aux mutations sociales, et surtout lorsque sa propre survie est menacée par des nombreux ennemis, qui, au mépris des lois en vigueur, portent atteinte à la nature même de notre profession.
Je constate avec la plus grande amertume qu’aujourd’hui, nous ne savons plus nous réunir que pour les Assemblées générales électives, où un clan s’oppose violemment à un autre, où hélas tous les coups sont désormais permis même les plus vils, où curieusement l’on entend, à l’égard de certains de nos confrères, l’expression désobligeante de «bétail électoral», que des pratiques inqualifiables venues d’un autre monde semblent avoir instituée au sein de notre ordre.
Nous devons absolument nous ressaisir…
Nous souffrons des mêmes maux, nous avons les mêmes besoins. Ne cultivons pas nos différences, cultivons nos ressemblances car ce qui nous réunit, ce sont des traditions communes et séculaires : montrons qu’elles existent.
Notre institution ordinale n’est pas et ne sera jamais un parti politique, elle n’est pas une tribu, elle n’est pas un clan, elle n’est pas une secte, elle n’est pas une coterie, elle est tout simplement le regroupement d’hommes et de femmes ayant la qualité d’avocats, inscrits dans un ordre, auprès d’un tribunal, d’une cour d’Appel, ou ayant un caractère national. Car la profession d’avocat sous nos latitudes est de plus en plus méconnue, et marginalisée, or connaître notre profession c’est l’aimer.
On nous accuse quelquefois de lui prêter une feinte grandeur. Combien nous serions coupables si nous la faisions descendre au niveau de l’opinion commune ! Sa force est précisément dans la hauteur à laquelle nous la plaçons et l’exagération même que l’on nous reproche n’a d’autre résultat que de multiplier et d’épurer nos devoirs. Elle ne se résume pas, comme certains le croient naïvement à l’art de bien dire.
«Il y a des professions, comme il y a des sites, où souffle l’esprit», comme nous le rappelait notre regretté et docte confrère Jacques Hamelin. C’est pour leur conserver ce caractère qu’on les incorpore dans des ordres, «sévèrement» recrutés et soumis à une discipline.
Confraternité
Un ordre ! On ne peut en effet prononcer ce mot sans évoquer les Templiers, les Chevaliers de Saint-Jean, les Chevaliers de Malte, les ordres guerriers et religieux qui, jadis, défendirent la chrétienté. Nos ambitions sont certes plus modestes.
Nous sommes cependant leurs successeurs lointains, ceux qui, dans un monde à genoux devant les lois économiques, sont encore capables de désintéressement, de dévouement, de sacrifice et, dans leurs relations professionnelles, de CONFRATERNITE, principe cardinal qui est le fondement de la profession d’Avocat.
Ce n’est pas que nous prétendons vouer aux autres formes de l’activité humaine un dédain déplacé, ni revenir à la distinction que les sociétés païennes, formées d’une élite de citoyens et d’une multitude d’esclaves, établissaient entre les professions libérales et les professions serviles ; nul n’ignore au Palais de Justice qu’on peut servir sa patrie et l’humanité dans les champs, dans les comptoirs, dans les usines aussi bien que dans les cabinets d’étude, les laboratoires et les audiences ; à plus forte raison n’avons-nous pas la présomption d’établir dans les professions libérales une hiérarchie arbitraire où nous prendrions le premier rang.
Nous ne prétendons pas être au-dessus de ceux qui cherchent la vérité dans les sciences, le beau dans les lettres et les arts, de ceux qui, par les patientes investigations de la médecine et les hardiesses merveilleuses de la chirurgie, travaillent au soulagement des misères humaines, comme c’est actuellement le cas dans la difficile lutte contre la pandémie de la Covid-19, de ceux encore qui s’appliquent avec désintéressement au gouvernement des sociétés ou qui remplissent l’auguste mission de «rendre la justice.»
C’est de ces vieilles traditions qu’est issu l’Ordre des Avocats, il n’a jamais cessé d’avoir l’Honneur pour règle.
La tradition du Barreau représente l’aspiration continue vers un idéal toujours plus élevé de générations d’hommes qui, soumis aux mêmes devoirs, attachés à certaines habitudes d’esprit, animés d’un amour fervent de leur profession, ont voulu qu’elle soit gouvernée librement par eux, suivant les règles de la sagesse. Les avocats sont toujours restés au service de la même idée, la Défense, et du même idéal, la Justice.
Ils se sont toujours attachés à faire de la Justice la règle des rapports sociaux, et à protéger les accusés contre les erreurs et les passions dont ils pourraient être victimes.
Ils n’ont jamais cessé de défendre les malheureux, de faire appel à la pitié et à la miséricorde qui peuvent toujours élever la voix, «le pouvoir terrestre, disait Shakespeare, est le plus semblable à celui de Dieu quand la pitié tempère la justice.» Voilà, ce qu’est l’Ordre des avocats, voilà, ce qu’est le barreau.
Le Barreau n’est pas, et il faut ici le rappeler solennellement pour lever toute ambiguïté, contre le Pouvoir mais il constitue de par sa nature et son essence un contre-pouvoir légal et légitime, qui peut prendre position sur des sujets de société qui interpellent les citoyens.
Que l’on me comprenne bien. Nous ne revendiquons aucun privilège. Notre nécessaire indépendance n’en est pas un, et ne nous place nullement au-dessus des lois. Elle est d’un intérêt social, elle n’existe qu’en vue d’une bonne organisation de la Justice.
Il apparaît manifestement aujourd’hui que, dans notre pays, le Barreau semble seulement toléré par les Pouvoirs publics, mais pas véritablement intégré dans le système judiciaire, ce qui est inadmissible, et nous devons y remédier par une saine discussion et concertation avec les autorités publiques.
Le Barreau se paupérise. Beaucoup de jeunes gens attirés par le miroir aux alouettes d’une rentabilité évanescente ont le plus grand mal à joindre les deux bouts. Hélas, cela n’est pas sain. Ce phénomène est même préoccupant.
La gêne est mauvaise conseillère. Et, pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les funestes événements du 10 novembre 2020, devant le Tribunal de première instance de Douala – Bonanjo. De grâce plus jamais ça ! Apportons-y les solutions idoines, urgentes et pérennes.
Le Barreau se prolétarise, par la création d’avocats, plus ou moins salariés, ou qui semblent installés, alors qu’ils ne disposent pas de cabinet, chaque jour toujours plus nombreux. Or, le but fondamental de toute organisation sociale est d’assurer la sécurité de l’immense majorité de ses membres.
Il faut faire absolument quelque chose pour y remédier, car l’assujettissement est l’ennemi des libertés. Or, défendre en est une.
Le Barreau a les plus grandes difficultés à admettre la disparition des contentieux traditionnels et à gérer des activités juridiques nouvelles imposées par une civilisation en pleine mutation (médiation, arbitrage, partenariat public-privé, droit de l’internet, etc.) et, surtout, il demeure passif et aphone à son exclusion de pans importants du Droit, par exemple le contentieux fiscal et plus récemment le contentieux douanier, et j’en oublie.
Or, nous devons avoir une conception ouverte et dynamique de la profession d’avocat qui doit s’insérer dans la société au service de laquelle elle se trouve, et qui évolue sans cesse.
Le Barreau et la Magistrature, ont de plus en plus de mal à se supporter et la dernière grève des avocats, ayant d’ailleurs entrainé pendant une certaine période le renoncement de l’Ordre des avocats aux hommages judiciaires, pourtant d’usage, à son Bâtonnier prématurément disparu en fut une cinglante illustration, avant d’y consentir finalement après moult arrangements, oubliant pourtant qu’ils font tous deux partie d’un service public irremplaçable, dont ils sont les composants indissociables. Le respect doit être synallagmatique.
Pendant ces querelles byzantines, la justice et la défense perdent leur crédibilité. Je persiste en effet à penser avec quelques autres, qu’entre le magistrat et le justiciable doivent subsister des hommes ayant un esprit d’idéal et animés du souci et de la volonté de servir la justice, qui puissent être les remparts des libertés en même temps que les serviteurs du droit.
Seule l’indépendance peut s’opposer à la société qui broie. Ceux qui veulent fonctionnariser cette profession sont les nostalgiques des tribunaux de l’Inquisition, où le diable seul avait un avocat. Jupiter «rend aveugles ceux qu’il veut perdre».
Il est par exemple intolérable que les avocats attendent plusieurs heures devant les cabinets de magistrats pour être reçus, et quelques fois même sans être reçus, simple question de courtoisie, ou qu’ils soient ravalés au rôle de faire valoir dans les procédures judiciaires, leur intervention n’étant plus prise en compte par les magistrats.
Aujourd’hui, obtenir une mesure de liberté provisoire dans une procédure pénale, relève des «dix travaux d’Hercule». Cela n’est pas acceptable.
O tempora o mores.
Les deux professions donneraient à voir qu’il est possible, tout en gardant sa spécificité, de travailler pour le bien commun, même si la finalité de l’action des uns et des autres n’est pas la même. L’intérêt de la Justice exige une coopération loyale, selon les règles édictées par les codes et l’éthique propre à chacune des professions.
Car sans un juge serein, compétent et neutre, il n’y a pas de sociétés régies par le Droit et la règle de raison.
Il n’y a pas d’avocat utile et convaincant, si ce n’est devant un juge serein, compétent et équitable. Le principe de l’indépendance de la justice doit être la pierre de touche de l’édifice judiciaire. Il doit être assuré par un juge indépendant et un avocat libre.
L’avocat ne peut jouer son rôle de défenseur si le juge est affaibli, de même le juge ne peut disposer de sa nécessaire indépendance et ne peut se sentir assuré de l’exercer si l’avocat est asservi.
L’indépendance de l’autorité qui juge doit prendre appui sur l’indépendance de l’avocat qui défend.
La justice dans nos états doit naître de cette dialectique, voire de cette objective et dynamique complicité entre un juge indépendant et un avocat libre.
En ce sens, l’indépendance de la défense est une réelle composante de l’indépendance judiciaire. Et notre illustre confrère Berryer, avocat et homme politique parlant de l’indépendance du Barreau, s’exprimait en ces termes : «L’indépendance du Barreau est pour chaque citoyen, un rempart contre les colères et les atteintes du Pouvoir, contre les violations du Droit, contre les persécutions injustes. Tout est à craindre si elle est mutilée, rien n’est à redouter si elle est respectée.» N’oublions pas que l’immobilisme n’est pas une vertu.
Notre barreau, dans son état actuel, est incapable d’assumer son rôle de gardien des intérêts légitimes des avocats et de contre-pouvoir. Il doit retrouver son unité perdue, accepter d’améliorer les conditions d’accès à la profession, veiller à la publicité fonctionnelle en évitant que des imposteurs sèment la zizanie au sein du public, en laissant croire qu’il pourrait y avoir plusieurs Barreaux au Cameroun, ce que pourtant la loi ne prévoit pas. Nous devons nous y opposer avec la plus grande détermination, et ne pas avoir peur des éventuelles intimidations d’où qu’elles viennent. Il existe des réformes douloureuses, mais il n’existe pas de révolution avortée. La remise en ordre de notre Barreau doit être conduite avec fermeté, enthousiasme, détermination et imagination, en tenant compte de l’apport croissant de nos jeunes confrères.
On pourrait ajouter avec COURAGE ce métal si précieux. Le courage est une vertu essentielle pour l’avocat. Il doit savoir faire face, il doit savoir se lever lorsque tout le monde se couche. Même si je n’ignore pas que, dans notre pays, quand une personne se lève pour faire quelque chose, dix personnes se lèvent pour dire que ce ne sera pas possible, et elles commencent à aiguiser les couteaux contre celle-ci. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas en accepter l’augure.
La première de ces réformes et la plus urgente, est de repenser dans cette perspective la formation professionnelle et de développer la formation continue, en offrant aux avocats la possibilité d’acquérir des connaissances beaucoup plus approfondies dans des domaines insuffisamment explorés, que sont : le Droit des affaires et des sociétés ; celui de la concurrence ; celui de la Restructuration des Entreprises ; celui de la fiscalité, celui de la médiation ; celui de l’arbitrage ; celui de la négociation des contrats internationaux ; celui du pétrole ; celui de la mer ; celui de la santé ; celui de la banque ; celui de l’environnement ; celui de la consommation ; celui des marchés financiers ; celui de l’internet ; celui de la législation de la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme, etc.
Le Droit Communautaire, qui régule de plus en plus la vie des justiciables dans nos espaces communautaires. Et je n’oublie pas l’absolue nécessité pour tous les avocats de s’initier et d’apprivoiser la pratique de la Common Law, notre commun héritage. Le Droit est une technique : il est une technique de plus en plus complexe. Le Droit est autant «écrit» que «parole» tout y est difficile. Le Droit est l’instrument de la vie judiciaire, il est l’instrument aussi de la vie juridique et du développement économique. L’un et l’autre de ces domaines sont les nôtres.
Enfin, nous devons multiplier et développer nos échanges sud-sud entre barreaux, et notamment les barreaux de la sous-région qui nous ressemblent comme des jumeaux, même si la pandémie de la Covid–19 est devenue un obstacle quasi dirimant, mais la visioconférence peut y remédier dans un premier temps.
Je n’oublie pas nos confrères et amis des barreaux occidentaux, qui répondent toujours avec ferveur et confraternité à nos appels multiformes consacrant ainsi la nécessité toujours actuelle de se donner les moyens d’appui solidaire dans la lutte jamais achevée pour le règne et la primauté du Droit et le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Pour n’évoquer que ces aspects-là.
Notre barreau ne retrouvera force et vigueur que s’il arrive également à générer des ressources nouvelles nécessaires à son rayonnement, et la nécessaire et urgente institution de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) par la loi s’impose ainsi que la nécessité d’un indispensable droit de plaidoirie payé par nos clients.
Tant que nous sommes au chapitre de la formation, est-il besoin surtout dans un pays comme le nôtre, bilingue et biculturel de souligner l’impérieuse nécessité de parler au minimum une langue étrangère en dehors de la sienne, et de préférence l’Anglais. De mettre en place des structures d’enseignement permettant à ceux qui le souhaitent, d’entretenir leurs connaissances ou de les améliorer.
Nous devons savoir qu’il ne pourra y avoir de crédibilité sans compétence, et de compétence sans formation permanente. Notre société a besoin de Droit, elle n’a pas besoin que de Droit, mais elle a besoin de Droit et cela nous pouvons et nous devons le lui offrir. Cette recherche de la qualité pour un meilleur service rendu, implique que l’avocat puisse retrouver son temps, par une organisation rationnelle des audiences et de son cabinet. Seul l’outil informatique peut nous y aider.
Il nécessite tant au niveau ordinal, qu’au niveau individuel, des études et des investissements qu’il faut mettre en œuvre avec le temps et la maturation qui s’imposent.
Il n’est pas vain de rappeler que l’Ordre des Avocats ne représente pas seulement un esprit, une tradition, des jours de grandeur et d’épreuves.
Il est, par-dessus tout, la conscience, la conscience d’une responsabilité collective qui, dans un temps comme le nôtre où les accusés tournent leurs regards désespérés vers la Justice, est plus grande que jamais.
L’Ordre est à la mesure de notre caractère, de notre talent et de nos vertus, c’est en soufflant ensemble sur le feu que nous ferons grandir la flamme. Sans doute, l’avocat ne semble-t-il pas faire œuvre qui dure, il discute le fait qui passe, et sa parole passe avec lui. C’est une «fusée dans la nuit», disait le Bâtonnier Charpentier. Ce n’est pourtant pas en vain que nous donnons le meilleur de nous-mêmes au plus grand de tous les arts.
Il y a dans l’exercice de notre profession une beauté qui survit au temps et qui en assure la pérennité, tout ce que notre parole contient de vertu demeure, elle a ce rare mérite de manifester la supériorité de l’intelligence sur la force, de l’esprit sur la matière.
Les anciens reconnaissaient dans le grand orateur quelque chose de divin, aliquid divinum, car s’il est au service d’une cause humaine et passagère, il défend des principes éternels et divins.
Aussi, notre profession est-elle de celles qui exigent une passion exclusive et un entier dévouement. Ce n’est pas assez de le rappeler, c’est un devoir de le faire comprendre à ceux qui, dans les jours heureux, s’alarment de nos franchises, mais qui seraient bien vite de notre avis si quelque revers les forçait à notre ministère, comme nous le constatons hélas si souvent.
Ce fait est curieusement encore plus vrai, sous nos latitudes, dans notre continent, dans nos pays, où il règne autant de misère, de malheurs, d’arbitraire, d’injustice et de violence, quel lourd tribut y paient les avocats.
C’est enfin, pour cela que nous devons faire preuve entre nous de SOLIDARITE, solidarité avec les jeunes confrères qui intègrent la profession, SOLIDARITE avec les plus anciens, qui sont dans le besoin, ou dans le dénuement, pour cause de maladie par exemple, mais aussi SOLIDARITE à l’égard du justiciable auquel nous consacrons notre action parfois jusqu’au sacrifice de nos intérêts les plus essentiels, n’oublions pas que la Fraternité n’a de réalité que si elle est présente et vigilante. Elle doit s’exprimer dans des actes et non dans des propos.
Comment ne pas se souvenir ici de ce qu’écrivait Vivien Greene : «Life is not about waiting for the Storm to Pass, it is about Learning to Dance in the Rain.» N’oublions pas «qu’entre le passé qui nous échappe et l’avenir que nous ne connaissons pas, il y a le présent où se trouvent nos devoirs.»
Notre devoir aujourd’hui est de penser et de bâtir le futur pour la grandeur de notre Barreau et surtout pour nos jeunes confrères qui l’intègrent de plus en plus nombreux, insufflant ainsi une juvénile énergie, à celui-ci. Car dans une démocratie, le Barreau constitue le Gardien du Temple. C’est Rainer-Maria Rilke qui écrivait dans une de ses lettres : «Il est pourtant clair que nous devons nous tenir au difficile. Tout ce qui vit s’y tient».
C’est ainsi que nous pourrons continuer à exercer, mais oui, un des plus beaux métiers qui soit.
Un métier exaltant, à la fois noble et humain : la défense des libertés, des valeurs individuelles et sociales mais le plus souvent à travers la vie de tous les jours et les souffrances quotidiennes.
Un métier qui récompense l’imagination autant que l’effort, qui gratifie l’humanisme autant que le savoir, le courage que la patience, l’écoute que le verbe.
Un métier qui enseigne le respect des autres et la plus grande des vertus, la tolérance. Notre métier.
Notre métier est un sacerdoce, en exerçant ce sacerdoce, nous sommes tous conscients j’en suis sûr, qu’il existe des Droits immémoriaux pour chaque homme que personne ne doit enfreindre et qui se lisent sur le pâle visage d’Antigone emmurée.
«Nous devons nous souvenir que l’Avocat est toujours à côté de l’homme qui souffre ;
«l’avocat est ce miracle quotidien ;
«il est l’humanité qui tend la main et voit un homme tapi au cachot ;
«il est l’esprit, par qui peut-être la rédemption viendra.
Dostoievski, déjà, le savait quand il a fait condamner Karamazov un innocent.
Telle est notre mission.
Par Patrice Monthé *
(*) Ancien Bâtonnier de l’Ordre
Président de l’Union des Avocats de l’Afrique Centrale (UNAAC)