Nestlé condamnée pour une plaque publicitaire défectueuse

Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr Support de communication, un panneau publicitaire est utilisé pour développer la visibilité d’une entreprise auprès des clients. A qui revient donc la garde de cet outil signalétique ? Qui répond des préjudices causés par un panneau publicitaire ? le bénéficiaire de la publicité ou la régie en charge de l’affichage de l’annonce ? Ces questions et biens d’autres a priori banales ont pourtant nourri vingt ans de débats au sujet de la bataille judiciaire qui a opposé Mme Babokana Songolo Sylvie Eliane contre deux entreprises, notamment Nestlé Cameroun, firme hollandaise spécialisée dans l’industrie alimentaire, et Media Plus, régie publicitaire qui a pignon sur rue. A l’origine du combat, un panneau publicitaire qui s’était effondré sur Mme Babokana Songolo en lui causant des fractures et blessures. La dame avait identifié les deux entreprises déjà mentionnées comme responsables de l’accident. La justice lui a donné gain de cause en condamnant ses adversaires à la réparation des préjudices. Une décision que les mis en cause ont du mal à digérer. Le dernier épisode de ce feuilleton judiciaire s’est achevé devant la Section civile de la Cour suprême le 6 juillet 2023. Cube magie En effet, la cour examinait ce jour-là le pourvoi introduit par la régie publicitaire contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Centre le 5 novembre 2014. L’arrêt attaqué confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi dans lequel les sociétés Nestlé et Media plus sont «solidairement» condamnées à payer 47,5 millions de francs de dommages et intérêts à leur adversaire, en réparation des préjudices que cette dernière a subis à la suite d’un accident. Le 12 mars 1997, sous une pluie battante, un panneau publicitaire faisant la promotion du «cube magie» , l’un des produits fabriqués par la société Nestlé, est tombé sur Mme Babokana Songolo au quartier Messassi à Yaoundé. La dame s’est tirée de cet accident avec de nombreuses fractures et blessures. Ses soins médicaux subis dans un hôpital à Yaoundé lui ont couté 700 mille francs. Une fois remise de ses blessures, la plaignante a assigné Nestlé et Media Plus devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi pour solliciter réparation à hauteur de 150 millions de francs. Vidant sa saisine, le juge du TGI du Mfoundi avait reconnu les deux entreprises responsables des dégâts causés par le panneau publicitaire litigieux était sous leur garde. Il motivait son jugement en s’appuyant sur les dispositions de l’article 1384 du Code civil. «On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde», indique ce texte. Au fond, la société Nestlé et Médias Plus étaient condamnés à payer «solidairement» à la victime 47,5 millions de francs. Ce montant englobe les frais médicaux, et surtout la réparation «des préjudices physique, moral, esthétiques et la perte de chance» . Les condamnées ont relevé appel du jugement mais ont essuyé un nouveau revers devant la Cour d’appel du Centre. Nestlé s’est pourvu en cassation, Méga Plus ayant été déchue de son pourvoi. Pour obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué, Nestlé s’est prévalue d’un moyen unique de cassation, notamment la violation de l’article 35 de la loi portant organisation de la Cour suprême. Malheureusement, la cour a estimé «que ce moyen est inopérant» au motif qu’il énonce les cas d’ouverture en cassation, et «n’a pas vocation à être appliqué par les juges de fonds» . S’en est suivi un dialogue des sourds enrichissant entre l’avocat de Nestlé et le président de la collégialité des juges, M. Fonkwe, par ailleurs président de la Chambre judiciaire de la Cour suprême. «Qu’est-ce qui vous dérange dans cette condamnation ? Vous avez causé un accident et vous ne voulez pas payer pourquoi ?» , interroge le haut magistrat. L’avocat réagit : «les plaques publicitaires appartiennent à Média Plus pas à Nestlé qui n’est que client» . Le magistrat revient à la charge : «Est-ce que le contrat qui vous lie à Media Plus est opposable aux usager ?» «Sans être irrévérencieux M. le président, je prendrai un exemple simple. Si le portrait du chef de l’Etat accroché sur ce mur tombe sur votre tête, on dira que c’est le chef de l’Etat qui doit vous indemniser et comme ces bâtiments appartiennent j’imagine au ministère de la Justice, on va l’associer à la condamnation» , réagit l’avocat complétant sa réponse avec l’exemple d’une banderole annonçant les obsèques d’une personne. «Si c’était moi personnellement, j’allais assigner les deux entreprises en justice avec la mairie puisque c’est elle qui vous autorise à exercer» , réplique le président précisant : «celui qui a la garde a le contrôle de la chose malheureusement cette théorie n’a pas été discutée parce que votre appel a été déclaré irrecevable» . «La cour peut soulever ce moyen d’office pour nous éviter cette grave injustice» , rappelle l’avocat indiquant que Mme Babokana Songolo a fait saisir les comptes de Nestlé et a déjà recouvré 15 millions de francs. «Certes, mais nous ne devons pas agir en sapeurs-pompiers pour appuyer une partie», oppose le magistrat. Avant d’ironiser «Vous savez ? Si elle a choisi de saisir vos comptes, c’est parce qu’il semble qu’ils sont bien fournis» . M. Fonkwe a clôturé l’échange en suggérant : «sur le plan intellectuel allez voir les professeurs d’université qui vont commenter cet arrêt. Moi je pense qu’il y a quelque chose à payer» .

Nestlé condamnée pour une plaque publicitaire défectueuse

REPARATION. Un panneau publicitaire faisant la promotion d’un produit de la firme hollandaise est tombé sur un passant causant plusieurs blessures à l’intéressé. La firme et sa régie publicitaire sont condamnées à dédommager la victime. Une sentence qu’elles ont du mal à digérer.

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