L’entreprise Confex Oil Sarl, spécialisée dans la vente des produits pétroliers, ne doit aucun radis au Trésor public. Le Tribunal administratif de Yaoundé l’a dégagée d’une prétendue dette fiscale qui pesait sur ses finances le 15 février dernier. Les juges ont annulé la décision autorisant le recouvrement forcé du montant à cause d’un vice de forme relevé dans la procédure ayant abouti à cette imposition.
Dans cette affaire, le dirigeant de Confex Oil raconte que le 15 octobre 2019, il a reçu dans ses locaux une mission mixte constituée des fonctionnaires du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) et du ministère des Finances (Minfi) pour «une banale séance de travail». En fait, cette mission mixte auditait en ce moment-là la gestion de la Société nationale de Raffinage (Sonara) suite à de prétendues irrégularités constatées dans la gestion des stocks de carburant constatées dans cette entreprise publique en 2015. Elle cherchait donc des informations complémentaires auprès de ses clients «pour reconstituer les produits sortis à la Sonara».
Après avoir consulté la comptabilité de Confex Oil, la mission mixte prétendra avoir décelé une grosse fraude fiscale en rapport avec la taxe spéciale sur les produits pétroliers. Selon la mission, la somme querellée porte sur 900 millions de francs d’impayés de la taxe spéciale sur les produits pétroliers pour l’exercice 2019, le reste étant les pénalités du retard de paiement de ladite somme. Le plaignant avoue avoir signé l’avis de mise en recouvrement (AMR) sans réserve. Chose curieuse, ce document porte la date du 7 octobre 2019, c’est-à-dire qu’il a été établi huit jours avant que les missionnaires de l’Etat n’atterrissent dans les locaux de Confex Oil. Alors que l’AMR est en fait un document dressé par le fisc à la suite d’un contrôle fiscal autorisant le «recouvrement forcé des impôts, droits et taxes» dus à l’Etat.
Devant la barre, le dirigeant de Confex Oil a rejeté la dette fiscale qu’on lui impute. Pour lui, «il n’y a jamais eu de contrôle», car «s’il y avait des incohérences ils transmettaient le dossier au fisc pour un redressement ou vérification générale» de sa comptabilité. Il indique que «la somme de 900 millions de francs est liée à la valeur du carburant». Selon lui, les documents comptables à base desquels l’imposition critiquée avait été retenue portent plutôt sur les exercices budgétaires de 2012 à 2014. A cette période, une équipe de la Direction générale des Impôts avait vérifié sa comptabilité sans trouver à redire. Il a évoqué les dispositions de l’article L36 du Livre de procédure fiscale pour asseoir son argumentaire.
AMR antidaté
En effet, selon ce texte, «Lorsque la vérification au titre d’un exercice fiscal donné, au regard d’un impôt ou taxe ou d’un groupe d’impôts ou taxes est achevée, l’administration ne peut procéder à une nouvelle vérification pour ces mêmes impôts ou taxes sur le même exercice fiscal». Il est précisé toutefois, que «l’administration conserve son droit de reprise au regard de ces impôts et taxes. Elle est en droit de rectifier, dans le délai de reprise, les bases précédemment notifiées sous la seule réserve que les modifications proposées ne résultent pas de constatations faites à l’occasion d’investigations supplémentaires dans la comptabilité de l’entreprise».
De leur côté, le parquet comme le ministère des Finances ont exprimé une position identique. Pour eux, le revirement du plaignant est inutile du moment où il a signé l’AMR et «a accepté de payer le montant sans réserve». Par conséquent, «le principe du contradictoire a été respecté». Pour l’AMR «antidaté», le parquet a trouvé que «ça pourrait être une simple erreur matérielle».
Le tribunal a voulu savoir si, «à la fin d’une séance de travail, on peut sortir un AMR», n’hésitant pas de rappeler les différentes phases d’un contrôle fiscal. De fait, lorsque le fisc constate une insuffisance, une inexactitude, ou une omission dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits et taxes, il «adresse au contribuable, une notification de redressement motivée et chiffrée, ou un avis d’absence de redressement» dans un délai de 60 jours à compter de la fin des opérations de contrôle, sous peine de nullité de la procédure. Le contribuable dispose d’un délai de 30 jours pour faire parvenir ses observations, notification de l’AMR etc.
Réagissant à l’éclairage du tribunal, le parquet a estimé que «la réunion était peut-être pour clarifier les choses». Cet autre argument du parquet n’a pas permis de maintenir l’imposition qui donnait de grosses sueurs froides aux dirigeants de Confex Oil.