Ce mercredi, 23 juin 2021, Maître Dominique Fousse devrait en principe saisir le procureur de la République près le Tribunal de première instance (TPI) de Douala-Bonanjo d’une plainte relative au scandale dit de la sextape de Radio Sport Info (RSI) basée à Douala. En début de semaine, l’avocate avait annoncé avoir été approchée par les parents de Malicka, une jeune fille dont les images intimes défrayent la chronique sur la toile et dans les ménages depuis le jeudi précédent, pour envisager une réparation judiciaire des torts causés à la concernée ainsi qu’à sa famille. C’est le dernier développement d’une affaire qui secoue aussi le monde de la presse, puisque le bureau de Martin Camus Mimb, commentateur sportif de talent et promoteur de la RSI ont servi de cadre à ce qui n’est pas loin d’une séquence de film pornographique. Avec le maître des lieux parmi les principaux acteurs.
Il y a une semaine, dans l’après-midi du 16 juin 2021, la toile s’embrase subitement suite à la diffusion des images de Malicka se livrant tantôt à une scène de fellation avec un homme dont le visage n’est pas dévoilé, tantôt à une masturbation, tantôt à une pose avec M. Mimb, qui a pris d’assaut les réseaux sociaux depuis quelques semaines pour la promotion de son autobiographie parue aux éditions CAD. C’est un coup de tonnerre de grande envergure dans le petit monde alors sans nuage des journalistes camerounais qui ne tarde pas à s’étendre à la société toute entière. Du fait du caractère grossier des images partagées et de la notoriété du commentateur sportif, ces images font rapidement le tour du monde. Pris de panique, Martin Camus Mimb décide de nier son implication active dans la scène d’accouplement qui fait fureur en évoquant sa «naïveté». Il utilise aussi les réseaux sociaux pour publier une «mise au point».
Harceleur sexuel
«Il circule depuis tout à l’heure sur les réseaux, écrit-il, les photos d’une jeune dame dans mon bureau à RSI, dans des positions inconfortables. Il est important de porter à l’attention de tous que cette jeune dame est venue à mon bureau ce matin, avec son copain dans le but de se faire dédicacer mon livre. En sus de cette dédicace, ce couple s’est dit disposé à débattre avec moi des multiples projets pouvant permettre de rehausser l’éclat de mes activités. Une telle éventualité, nécessitant une discussion sereine, j’ai naïvement sollicité qu’ils m’attendent patiemment dans mon bureau, le temps pour moi d’achever une intervention sur les ondes. J’ai alors quitté mon bureau et suis revenu une dizaine de minutes plus tard achever ma discussion avec eux sans me douter de quoique ce soit. Ce soir, je découvre ahuri sur les réseaux sociaux, qu’en mon absence, ils ont transformé mon espace de travail en lieu de débauche».
Dans sa mise au point, le patron de RSI n’hésite pas à accuser ses visiteurs d’avoir prémédité leur coup dans le but d’attenter à sa quiétude et à son honorabilité. «Chacun remarquera que le vêtement que j’arbore sur la photo prise avec cette dame lors de la remise de mon livre est différent de celui que porte le concerné dans cette vidéo virale. C’est inadmissible et inacceptable. Je comprends que des visées sont multiples et je suis profondément choqué», précise-t-il, après avoir annoncé une procédure contre «le couple» en justice. Ceux qui (comme l’auteur de ces lignes) ignorent le côté grivois du commentateur sportif donnent du crédit à sa version des faits. Mais sa sortie provoque de nombreuses réactions de révolte auprès de certains de ceux qui le connaissent autrement. La toile va s’embraser de nouveau avec des révélations sur un homme qui est finalement présenté comme un infatigable harceleur sexuel doublé d’un séducteur (dragueur) grossier et/ou maladroit.
Martin Camus Mimb est connu comme l’un des proches de Samuel Eto’o Fils, la méga star du football, qui a malheureusement aussi fait parler de lui par le passé dans un scandale sexuel. Meilleur avocat du footballeur dans les médias, le patron de RSI ne s’attire sans doute pas les sympathies des nombreux détracteurs de son ami, lui qui s’organise d’ailleurs pour prendre les rênes de la Fécafoot dans les prochains mois. Le commentateur sportif est aussi connu pour son hostilité assumée à l’égard du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) : les militants de la formation politique ne comptent pas parmi ses admirateurs. Dans les milieux de la presse, ils sont nombreux à le trouver «arrogant», «ingrat», «vantard», etc. L’occasion est sans doute propice pour quelques jaloux ou revanchards de lui régler son compte. Ce cocktail n’est pas pour baisser la pression sur le journaliste, à qui plusieurs demandent de reconnaître son implication active dans la sextape et de se montrer empathique à l’égard de Malicka, en lui présentant des excuses publiques et sincères.
Erreur de manipulation
L’homme des médias va garder sa position de départ s’agissant de ce qui s’est passé dans son bureau, en dépit des témoignages et l’engagement renouvelé de certains influenceurs sociaux de révéler tous les contours du scandale. Il passe même dans une émission de télévision où il se montre imperturbable. Il croit à la supériorité de son talent et pense que la bourrasque va vite passer. Cela va durer jusqu’au lundi suivant quand un certain Wilfrid Eteki, 54 ans, amant de la jeune fille, décide de communiquer à son tour. C’est lui, l’homme central du scandale. Il parle d’une «erreur de manipulation [qui aurait] envoyé au mauvais destinataire [les] vidéos» du scandale. Il se défend d’avoir comploté avec sa compagne contre M. Mimb et sa radio. «Malicka n’est pas venue faire une quelconque conspiration comme beaucoup veulent le faire croire», précise-t-il sur sa page Facebook dans un message qui ne restera en vie que quelques heures.
Celui qui se fait appeler «majesté» va aller plus loin en regrettant ce qui s’est passé et tous ceux qu’il croit avoir salis par son inconduite, à commencer par son amante. «Quant à Malicka, je lui présente des excuses sincères. Je regrette cet épisode. Elle ne mérite pas d’être ainsi lynchée, parce qu’en plus d’être brillante, elle est issue d’un milieu où le respect des mœurs est capital. Je présente ici à RSI toutes mes excuses pour les dégâts qu’a pu créer notre mésaventure», dit-il. C’est une sortie que Martin Camus Mimb croit pouvoir utiliser pour éteindre la grogne qui ne cesse de monter contre lui dans la société.
Dans un communiqué qu’il diffuse peu après celui de M. Wilfrid Eteki, M. Mimb écrit : «RSI prend acte des excuses de M. Wilfrid Eteki, qui affirme à travers cette publication que nos locaux ont injustement été exposés et qu’il a fait une fausse manipulation de son téléphone pour que les images inacceptables d’une jeune dame se retrouvent sur la place publique. Nous prenons donc acte qu’il ne s’agirait pas d’un complot contre une institution qui se bat depuis près de dix ans, pour se frayer un chemin. RSI se battra jusqu’au bout pour laver son honneur terni par cette projection abjecte». Le patron de RSI ajoute que Malicka, dont il se garde d’écrire le nom, est une victime innocente. «Nous devons nous battre pour la protéger. C’est inacceptable ce qui s’est passé et nous nous excusons pour cette légèreté et ce manque de vigilance». La jeune dame n’a pas droit à des excuses particulières. «Nous présentons nos sincères excuses à tous ceux qui vivent douloureusement cette situation depuis le début», se contente d’écrire M. Mimb.
De plus en plus isolé…
Cette sortie ne va apporter aucun répit au patron de RSI. Son nouveau communiqué est analysé avec minutie comme celui de M. Eteki que certains reconnaissent du reste comme un intime du commentateur sportif. Il apparaît donc que la «mise au point» de M. Mimb était truffée de contrevérités. Il y a notamment prétendu que le couple lui était inconnu en présentant sa radio comme étant au centre d’un complot. C’est un manque de sincérité qui lui vaut de perdre la majorité des personnes qui ont affiché un soutien à sa personne. Elles sont nombreuses à se dire déçues de ce que le commentateur sportif leur a menti. Ceux-là aussi lui conseillent désormais de faire preuve d’humilité en reconnaissant ses erreurs pour éviter un désaveu total du public à son égard. En vain pour le moment.
Il est peut-être déjà un peu tard pour éviter le désaveu. De plus en plus isolé, le journaliste va apprendre que les éditions CAD, la maison qui a édité son autobiographie, décide de suspendre sa collaboration en attendant que la justice, que plusieurs appellent de tous leurs vœux, puisse se saisir du dossier et permettre de clarifier la situation et punir les coupables. Les parents de la jeune fille, sortis du coup de massue du départ, ont déjà saisi Maître Fousse pour engager les hostilités. Malicka, elle-même, qui a pensé à se suicider à un moment, est engagée pour que soit sanctionné le lynchage public qu’elle a subi du fait de la mise en circulation de ses images intimes. Elle a même accepté de raconter à son avocat et à certains proches dans le menu détail ce qui s’est passé le 16 juin 2021. C’est elle qui a révélé dans ce cadre l’implication active du promoteur de RSI dans l’orgie sexuelle qui s’est déroulée dans son bureau. Plusieurs fans du journaliste se disent désormais désabusés.
Le droit à l’image au cœur du procès envisagé par Malicka
POURSUITES. La fille adresse en son propre nom une plainte au procureur de la République pour faire sanctionner la mise en circulation de ses images intimes. Wilfrid Eteki et Martin Camus Mimb parmi les suspects. Mais la chaine des cibles de la plainte pourrait s’allonger à la suite de l’enquête attendue.
Quelles sont les infractions retenues dans le cadre de la procédure judiciaire initiée par la famille de Malicka ? En attendant d’avoir le contenu exact de la copie de la plainte que Me Dominique Fousse envisage de déposer ce mercredi au plus tard, il est difficile de donner une réponse. Cependant, l’avocate a confié à Kalara qu’elle vise uniquement «le droit à l’image» de la fille au regard de la loi sur la cybercriminalité. «Nous ne parlons pas de viol», a précisé l’avocate. Les accouplements qui se sont déroulés dans le bureau du patron de RSI le jour du scandale ne sont donc pas jugés abusifs. Selon des sources proches de la famille, la fille était consentante. C’est donc non pas le tournage des images, puisque Malicka en était consciente, mais leur diffusion au-delà des acteurs de la sextape qui apparaissent comme dignes d’intérêt pour l’équipe des défenseurs de Malicka.
En fait, sortie d’une grave frustration qui l’aurait poussé vers une idée de suicide, la fille s’engage elle-même à endosser sa plainte. C’est dire si Malicka est au moins remontée contre ses compagnons du 16 juin dernier dont au moins l’un est au départ de la chaine de diffusion de ses images intimes. Son père va tout juste l’accompagner en donnant son autorisation. Il aura fallu une large concertation familiale pour que l’option d’une procédure pénale soit définitivement arrêtée. La suite est affaire des techniciens. Maître Fousse a déjà indiqué que la plainte se fera sur la base de la loi camerounaise sur la cybersécurité et la cybercriminalité (lire ci-dessous). Un texte dont l’article 74 sanctionne notamment «quiconque, au moyen d’un procédé quelconque porte atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, les données électroniques ayant un caractère privé ou confidentiel».
Morale et justice
Plusieurs personnes seront déçues parmi celles qui trouvent insupportables le fait qu’une fille se soit retrouvée avec deux hommes plus âgés à partager son intimité. D’autres, qui sont convaincus sur la base de leur seule perception que la fille était mineure et a subi des abus sexuels, seront d’avantage déçus encore. Une telle déception est compréhensible parce que plusieurs confondent la justice à la morale. Or, s’il est moralement incompréhensible que deux personnes dont l’âge moyen tourne autour de la cinquantaine couchent avec une fille qui a à peine dépassé ses 20 ans, cela ne peut représenter une infraction dès lors que la concernée a volontairement accepté de jouer le jeu. Le procureur de la République et ou le juge ne peuvent aller au-delà de ce que prévoit la loi pénale.
En s’en tenant aux seules images diffusées sur la toile, plusieurs observateurs avertis avaient identifié une panoplie d’infractions pénales susceptibles d’être retenues contre les suspects. Maître Amedee Dimitri Touko Tom, avocat qui s’est exprimé sur la page Facebook de sa consœur Dominique Fousse a par exemple évoqué des transgressions à la loi qui auraient pu être révélées par des enquêtes sérieuses, notamment le viol, l’administration de substances de nature à altérer le discernement de la victime, le proxénétisme, la pédophilie en bandes organisées, la détention et la diffusion d’images pornographiques… En fait, l’avocat a vigoureusement réagi à une opinion émise sur sa page Facebook par le ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Dieudonné Momo qui était de nature à limiter le spectre des poursuites. En principe, c’est une opposition d’idée qui est désormais sans intérêt au regard de la plainte annoncée.
Il se pose actuellement la question de savoir qui sont les suspects concernés par la plainte au sujet de l’atteinte présumée au droit à l’image de Malika. Maître Fousse n’a pas directement répondu à la question posée. Mais, elle a indiqué que «les enquêtes le diront», en précisant qu’il existe des spécialistes de cybercriminalité qui seront mis à profit en cas de besoin. D’ores et déjà, il paraît logique que le promoteur de RSI et son ami Wilfrid Eteki intéressent les enquêteurs. Même s’il a supprimé le communiqué publié par ses soins le 21 juin dernier, le concerné a avoué avoir transmis par erreur les vidéos querellées à une mauvaise destination. Malicka, si l’on s’en tient aux sources proches de la famille, sait aussi que Martin Camus Mimb a reçu les images, selon le témoignage de M. Eteki. Il est fort possible que l’un ou l’autre soient le premier maillon de la chaîne de diffusion des images, même si c’est fait de façon involontaire.
Article 74 de la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et la cybercriminalité au Cameroun
«(1) Est puni d’un emprisonnement de un (01) à deux (02) ans et d’une amende de 1.000.000 (un million) à 5.000.000 (cinq millions) F CFA, quiconque, au moyen d’un procédé quelconque porte atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, les données électroniques ayant un caractère privé ou confidentiel.
(2) Sont passibles des peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus les personnes qui, sans droit, interceptent des données personnelles lors de leur transmission d’un système d’information à un autre ;
(3) Est puni d’un emprisonnement d’un (01) à trois (03) ans et d’une amende de 1.000.000 (un million) à 5.000.000 (cinq millions) F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque procède ou fait procéder, même par négligence au traitement des données à caractère personnel en violation des formalités préalables à leur mise en œuvre.
(4) Est puni d’un emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d’une amende de 1.000.000 (un million) à 5.000.000 (cinq millions) F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, le fait de collecter par des moyens illicites, des données nominatives d’une personne en vue de porter atteinte à son intimité et à sa considération.
(5) Les peines prévues à l’alinéa 4 ci-dessus sont doublées, à l’encontre de celui qui met, fait mettre en ligne, conserve ou fait conserver en mémoire informatisée, sans l’accord exprès de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître ses origines tribales, ses opinions politiques, religieuses, ses appartenances syndicales ou ses mœurs.
(6) Les peines prévues à l’alinéa 5 ci-dessus, s’appliquent aux personnes qui détournent les informations, notamment, à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission.
(7) Est puni d’un emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d’une amende de 5.000.000 (cinq millions) à 50.000.000 (cinquante millions) F CFA, ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui conserve des informations sous une forme nominative ou chiffrée au-delà de la durée légale indiquée dans la demande d’avis ou la déclaration préalable à la mise en œuvre du traitement automatisé. (8) Est puni des peines prévues à l’alinéa 7 ci-dessus, le fait de divulguer des données nominatives portant atteinte à la considération de la victime.»