Par Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com
M. Isaac Joel Bela Belinga s’est acheté encore des espaces dans la presse camerounaise pour tenter de redorer son blason d’expert-comptable plus que jamais terni par les travaux de son cabinet comptable, BBI Advisory & audit, dans ce qui est appelé la seconde affaire Vamoulké. Dans leurs éditions du lundi, 12 juillet 2021, nos confrères (Le Messager, Intégration et Mutations), ont publié une longue note d’explication de l’auteur de l’audit à l’origine des déboires judiciaires de l’ancien DG de la Crtv.
Accusé par les avocats de Vamoulké d’avoir (i) surfacturé sa prestation avec la complicité active de l’actuel DG de la Crtv, (ii) d’avoir passé des écritures comptables erronées dans les livres de la Crtv, pour accabler leur client, (iii) et de se prévaloir des diplômes qu’il n’a jamais acquis, l’expert-comptable tente de montrer patte-blanche. Sauf que ses arguments contribuent à donner raison à ses contradicteurs.
(i) sur la surfacturation de ses prestations à la Crtv
Les avocats de M. Vamoulké avaient mis en évidence le fait que M. Bela Belinga a bénéficié, en 2017, d’un marché de gré à gré à la Crtv, lui permettant d’effectuer la «mission de révision et surveillance des comptes et le conseil financier» pour un montant de 82,9 millions de francs. Ils ont expliqué que ce marché, non seulement avait été passé en violation des prescriptions du ministre des Marchés Publics, mais que son coût était très élevé, au regard des sommes payées aussi bien au prédécesseur de BBI Advisory & Audit (4,9 millions de francs l’année) qu’à son successeur le cabinet Bekolo & Patners (9,8 millions de francs). Dans l’objectif de tourner les conseils de M. Vamoulké à bourrique, M. Bela Belinga a fait de très longs développements pour affirmer que toutes les prescriptions du ministre chargé des Marchés publics avaient été respectés. Et que le montant du contrat entre son cabinet et la Crtv, soit 82,9 millions de francs, découlait d’un arbitrage du ministre des Marchés publics confirmé par l’Agence de Régulation des Marchés publics (Armp) en octobre… 2018.
En fait, M. Bela Belinga fait diversion pour essayer de noyer le poisson. Si l’arbitrage du DG de l’Armp existe bel et bien, au regard des documents qu’il a mis en circulation, il concerne une querelle ayant opposé l’expert-comptable avec la Crtv. Cette dernière voulait finalement payer la prestation à hauteur de 69,6 millions de francs, le montant hors-taxe (HT) du marché, au lieu de 82,9 millions de francs, le montant toutes taxes comprises (TTC). D’ailleurs, au moment de cette querelle, le ministère des Marchés Publics attend encore que «le point sur l’exécution physique et financière du marché» lui soit fait…
Cela dit, les conditions exprimées par le ministre des marchés publics dans l’autorisation d’attribution du marché de gré-à gré n’ont pas été respectées. Il s’agit, d’une part, de la consultation d’au moins trois cabinets d’expertise-comptable, pour respecter les règles de concurrence libre. M. Bela Belinga affirme dans ses écrits que cette préoccupation avait été prise en compte par le DG de la Crtv dans le prétendu «dossier de consultation». Mais, il ne donne le nom d’aucun des deux cabinets concurrents au sien et ne donne aucun renseignement sur leurs offres financières respectives…
Ensuite, M. Bela Belinga se grade totalement de parler de la recommandation du ministre des Marchés Publics à ce que le DG de la Crtv consulte le ministre du Commerce au sujet du coût de la prestation, si jamais la mercuriale en vigueur est muette. «Je vous saurai gré de vous assurer de la conformité du coût de la prestation de la mercuriale officielle, le cas échéant, d’en saisir les services du ministre en charge des pris pour déterminer le montant à retenir dans notre commande, conforment aux points 330 et 331 de la circulaire n°001/c/ Minfi du 28 décembre 2018 portant restrictions relatives à l’exécution des lois de finances, au suivi et contrôle de l’exécution du budget de l’Etat pour l’exercice 2017». M. Charles Ndongo ne s’est jamais conformé à cette exigence, contrairement aux affirmations de M. Bela Belinga. C’est du moins ce qu’il faut déduire de ses silences devant les demandes d’informations de Kalara et ses atermoiements devant l’Armp en octobre 2018…
(ii) sur le reproche de faux en écritures comptables.
Dans un droit de réponse publié dans l’édition n°389 de Kalara, les avocats de M. Vamoulké avaient affirmé que M. Bela Belinga avait créé dans les comptes de la Crtv pour l’exercice 2017, une créance fictive de 2,146 milliards de francs au nom de leur client. Cette écriture a été rectifiée par le Cabinet Bekolo et partenaires en 2019, successeur de BBI Advisory et Audit de M.Bela Belinga dans le suivi de la comptabilité de la Crtv. Pour mémoire, le Cabinet Bekolo & Partners est dirigé par M. Emile Bekolo, un expert-comptable bien plus expérimenté que M. Bela Belinga.
Pour se défendre d’avoir créé de toutes pièces une créance (dette) mise sur le dos de M. Vamoulke, M. Bela Belinga écrit ceci : «l’audit conduit par M. Bela Belinga Isaac Joel contribue à mettre en évidence une irrégularité dont personne ne peut apporter une réponse véritable jusqu’à ce jour». Il rappelle avoir conseillé à la Crtv dans le cadre du contrat qui le liait à l’entreprise publique en 2017, de créer un compte débiteur divers «au nom du responsable du contrôle interne de la Crtv» poste que n’a jamais occupé M. Vamoulke. «C’est ainsi qu’un compte d’attente avait été créé, dit-il, pour motiver l’identification par les soins» d’une irrégularité pouvant aboutir «à une destruction de la valeur de la Crtv» et l’exposant «à un énorme risque fiscal». M. Bela Belinga ne dit pas comment et pourquoi le «compte d’attente» porte le nom de M. Vamoulke. Et il laisse désormais croire qu’il revient à la justice, le Tcs, pour ne pas le nommer, de juger d’une situation comptable qu’il a créée. «Si cette irrégularité est confirmée par les juridictions, les personnes ayant annulé cette écriture dans le compte d’attente ne seraient-elles pas poursuivies pour faux en écriture ?» s’interroge M. Bela Belinga, avant d’écrire qu’il ne pense pas que «le brillant expert-comptable, M. Bekolo Emile aurait pu prendre sur lui d’annuler une telle écriture comptable». Une inutile menace à peine voilée, pour une situation déjà normalisée.
(iii) sur les diplômes de M. Bela Belinga
Dans ces écrits publiés lundi dernier (12 juillet) il est écrit que «malgré son inscription en thèse de doctorat à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne entre 2013 et 2015, M. Bela Belinga Issac Joel n’a jamais affirmé avoir obtenu le doctorat». Pour ce qui concerne le Master à HEC à Paris, dont il se prévaut, toujours, l’expert-comptable prétend que les avocats de M. Vamoulké sont soit «de mauvaise foi», soient font preuve de «méconnaissance» de la réalité pour lui contester la propriété d’une telle qualification. En fait, l’auditeur reconnait plutôt avoir suivi sa formation à Paris 1 Panthéon Sorbonne pour des enseignements de co-habilités par l’université de Paris 1 Sorbonne et l’Ecole des Haut Etudes commerciales de Paris» : malheureusement, la ficelle est grosse…
En consultant le compte de M. Bela Belinga sur le verseau professionnel Linkedin, au moment de mettre cet article sur presse (12 juillet), il apparait que l’expert-comptable a instruit lui-même la propriété d’un master de recherche à HEC Paris, sans aucune mention de la co-habilitation avec Paris 1 Panthéon Sorbonne. De même, il est aussi clairement marqué « Doctorat d’Etat en science de gestion » (voir illustration). Ces divers constats se passent de commentaires.