Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
La balle est désormais dans le camp de l’ex-ministre Basile Atangana Kouna. Ce mardi, 7 septembre, ses avocats vont en principe répliquer au réquisitoire du ministère public présenté quatre jours plus tôt devant le Tribunal criminel spécial (TCS), et dans lequel le parquet demande qu’il soit déclaré coupable des faits qualifiés «d’intérêts dans un acte».
Le 4 septembre dernier, l’accusation a en effet présenté ses derniers arguments dans l’affaire dite Aspac Cemac. En prenant ses réquisitions dans cette procédure, le ministère public est longuement revenu sur le fond de l’affaire en précisant que tout a débuté le 21 novembre 2009, lorsque la Cameroon water utilities Corporation (Camwater) ayant à sa tête M. Atangana Kouna, a attribué un marché d’environ 40 milliards de francs au groupement d’entreprises belges Bateau S.A, représentée par Vincent Pissart, et Aspac Universal, représentée par Jacques Michel Massart.
Le marché en question portait sur la réhabilitation, le renforcement et l’extension du système en eau potable de 52 localités du pays. Sans l’autorisation de la Camwater, M. Massart avait sous-traité les travaux à l’entreprise Aspac Cemac créée en 2010. Et dix mois après sa création, Aspac Cemac concluait un marché de 10 millions de francs avec Trinity Sarl, une entreprise privée spécialisée dans la location de véhicules. Le problème, Trinity Sarl appartient à M. Atangana Kouna.
Pour le ministère public, tous les agissements décriés ne visaient qu’à détourner les fonds publics. De fait, lorsque l’affaire se déclenche, l’accusation va estimer que la somme de 1,7 milliard de francs perçue par Aspac Cemac est un détournement, et l’avait imputé à M. Massart et à l’ex-ministre. Les deux personnalités ont restitué à l’Etat les fonds en cause, et ont bénéficié d’un arrêt des poursuites sur ce chef d’accusation en 2020.
Trinity Sarl
Néanmoins, M. Atangana Kouna reste poursuivi pour le délit de prise d’intérêt dans un acte au motif que Trinity Sarl a reçu la somme de 10 millions de francs issue du contrat passé avec Aspac Cemac. Le Code pénal dans son article 135 définit l’«intérêt dans un acte» comme le fait «pour tout fonctionnaire d’avoir un intérêt soit par lui-même, soit par personne interposée dans des actes ou des affaires sur lesquels il est appelé en raison de ses fonctions à donner son avis ou à exercer sa surveillance».
Même si l’ex-ministre a reversé les fonds litigieux au Trésor public pendant les enquêtes, il a clamé son innocence en phase de jugement arguant que le contrat querellé concerné deux entreprises privées. Le ministère public a rejeté cette défense. Selon lui, c’est avec l’argent frauduleusement perçu auprès de la Camwater qu’Aspac Cemac a payé la facture de Trinity Sarl.
Abordant ce pan du dossier durant leurs plaidoiries, les avocats de l’Etat sont allés dans le même sens. «Toutes ces sociétés écrans avaient été créées pour les besoins de la cause. C’est Basile Atangana Kouna qui ordonnait le paiement des factures dont une partie des fonds s’est retrouvée dans les caisses de Trinity, sa propre société. Les fonctionnaires ne font pas les affaires? Cela est inacceptable», a déclaré l’avocat de la Camwater. La prise d’intérêt dans un acte est punie de deux ans d’emprisonnement.
L’accusation a également demandé au tribunal de condamner trois anciens employés de la Camwater, précisément Thomas Nama Aloa, neveu et chauffeur de l’ex-ministre, M. Bello Oussoumana, mécanicien, et Vanessa Yondo. Les intéressés sont poursuivis pour la supposée complicité du détournement au centre du procès. Ils sont accusés d’avoir pris une «part active» dans la création d’Aspac Cemac (voir Kalara 393, parue le 28 juillet 2021).
Bon à savoir, M. Atangana Kouna est en détention provisoire depuis mars 2018. En dehors de cette procédure, il passe également en jugement pour le supposé détournement de 1,2 milliard de francs en rapport avec sa gestion à la Camwater.