Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
C’est une enveloppe de 1,5 milliard de francs que l’entreprise espagnole Construciones Galdiano a obtenue au terme du procès en indemnisation qu’elle a intenté contre le ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique (Minmidt). Le tribunal administratif de Yaoundé a condamné l’Etat du Cameroun à payer ce montant à cette entreprise en réparation de divers préjudices subis par cette dernière à la suite du retrait de son permis d’exploitation de la carrière de pierre d’Akak-Esse, une localité située dans l’arrondissement de Sangmélima. Ce verdict est tombé le 7 juin dernier après d’intenses débats entre les parties.
Les hostilités entre l’Etat du Cameroun et l’entreprise Construciones Galdiano ont débuté en 2012. L’entreprise espagnole avait remporté deux importants marchés publics, notamment la construction de la route Sangmélima-Mengong d’une distance de 74 kilomètres d’un montant de 40 milliards de francs et l’édification de l’immeuble siège de la Caisse autonome d’Amortissement (CAA), chiffré à 15 milliards de francs.
Le 23 juin 2015, le ministère des Mines avait attribué à l’entreprise espagnole un permis d’exploitation de la carrière de pierre d’Akak-Esse. Le permis d’exploitation en question avait une validité de 5 ans. L’exploitation de la carrière au centre du procès présentait un grand intérêt pour les parties puisque les matériaux extraits dans ce site allaient être utilisés pour la réalisation du chantier routier Sangmélima-Mengong.
Intérêt public
L’entreprise Construciones Galdiano affirme avoir déboursé de fortes sommes d’argent d’abord, pour obtenir le permis d’exploitation querellé, ensuite pour viabiliser la carrière d’Akak-Esse elle-même. Sans compter les dessous-de-table. C’est ainsi qu’elle dit avoir acquis des engins, construit des hangars et ateliers, etc. sur le site abritant la carrière litigieuse.
Mais, suite à diverses supposées défaillances techniques et financières, les deux marchés attribués à Construciones Galdiano lui étaient retirés. Le marché du projet routier Sangmélima-Mengong était résilié en 2014, et réattribué à l’entreprise égyptienne Arab Contractor. La Caisse autonome d’Amortissement avait de son côté placé la construction de son immeuble en régis. Ce qui signifie que l’entreprise d’Etat prenait elle-même en mains les travaux de construction de son propre immeuble siège.
Alors que l’entreprise espagnole avait débuté l’exploitation de la carrière d’Akak-Esse, le ministre des Mines signait le 14 mars 2016 un arrêté abrogeant son permis d’exploitation au motif de «l’intérêt public». L’exploitation du site était ainsi attribuée à l’entreprise Arab Contractor qui venait en même d’être désignée pour poursuivre le chantier routier Sangmélima-Mengong. Les dirigeants, les employés et le matériel de Construciones Galdiano étaient déguerpis de la carrière manu militari par le Génie militaire.
Le problème, l’entreprise espagnole soutient que le retrait de son permis d’exploitation de la carrière d’Akak-Esse lui a causé un important préjudice commercial du moment où les «investissements exposés n’ont pas donné lieu au profit escompté, faute d’exploitation». Plus grave, l’abrogation critiquée s’est faite en totale violation de l’article 35 du Code des marchés publics. Selon ce texte, avant toute décision de retrait, l’administration chargée des mines «met en demeure le titulaire (du permis d’exploitation) au manquement signalé dans un délai de 60 jours comptés à partir de la date de notification de la mise en demeure». L’entreprise Construciones Galdiano affirme n’avoir jamais reçu le moindre reproche durant le peu de temps passé à Akak-Esse.
Querelle espagnole
Tout compte fait, l’entreprise espagnole a donc évalué les préjudices qu’elle dit avoir subis du fait de la décision contestée à 2,5 milliards de francs. Ce montant représente, selon elle, la réparation des «dépenses effectuées pour la mise en œuvre de la carrière», «la perte fonctionnelle des engins et les matériels abandonnés sur le site de la carrière», le préjudice financier et moral.
Pour le représentant du Minmidt, aucun des préjudices alléguées n’est fondé, car «l’exploitation de la carrière n’était pas à des fins commerciales parce que liée à un projet d’intérêt public». De plus, indique-t-il, l’entreprise espagnole «ne démontre pas l’existence matérielle, concrète et réelle d’une atteinte réalisée, perceptible et susceptible d’évaluation». Mais ces explications n’ont pas réussi à éviter à l’Etat la condamnation à payer 1,5 milliard de francs d’indemnisation à Construciones Galdiano.
Un fait intriguant a jalonné les débats. Deux sujets espagnols revendiquent chacun la propriété de l’entreprise Construciones Galdiano. Si le recours initial traînant le Minmidt devant la Justice a été introduit par Francisco Javier Galdiano, son compatriote Ruan Azor Mohedano s’est introduit dans la procédure en intervention volontaire. Ce dernier affirme avoir racheté l’entreprise devant notaire le 23 avril 2014. De ce fait, c’est entre ses mains que l’indemnisation sollicitée devrait être reversée au cas où le tribunal accédait à la demande. Finalement, l’intervenant volontaire a été débouté pour n’avoir pas déposé un recours gracieux préalable contre la décision du Minmidt.
En dehors de cette procédure, les deux Espagnols sont également en procès contre l’Etat pour indemnisation suite aux retraits jugés scandaleux des marchés de l’immeuble de la CAA et de la route Sangmélima-Mengong.