Le 16 novembre prochain est jour de verdict dans la bataille judiciaire qui oppose l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) et la compagnie de téléphonie mobile MTN Cameroon. Depuis cinq ans, un différend les oppose au sujet de l’utilisation de la «4G», une technologie permettant une meilleure fluidité des communications. L’organisme public fait le reproche à la compagnie de téléphonie mobile d’avoir déployé cette technologie dans le pays sans attendre son autorisation. C’est au cours d’un contrôle inopiné effectué sur les installations de MTN en avril 2016 que la situation avait été mise à nu. Comme sanction, l’ART avait alors infligé à MTN Cameroun une amande de 500 millions de francs le 16 août 2016. En plus, MTN écopait également d’une suspension de faire usage de la technologie querellée sur une période de douze mois.
Pas du tout d’accord avec la décision du régulateur du champ des télécommunications, la compagnie MTN Cameroun avait attaqué la décision devant le Tribunal administratif de Yaoundé pour solliciter l’annulation de l’amende. Dans son recours, elle accusait son adversaire tantôt de «détournement de pouvoir», tantôt d’«excès de pouvoir», estimant que la sanction prononcée à son encontre était dépourvue de base légale. Le 21 septembre dernier, les parties ont croisé le verbe au sujet de leur différend devant la barre. En fait, les juges poursuivaient les débats entamés dans une précédente audience. Les parties étaient invitées à faire leurs observations sur les résultats de l’expertise en télécommunication commise par le tribunal pour l’aider à assoir sa conviction. Le tribunal, qui avait envisagé de rendre sa décision au départ le 5 octobre dernier, l’a finalement repoussée au 16 novembre prochain.
En restituant brièvement les conclusions du rapport évoqué, le tribunal explique que l’expert déclare qu’«ART a refusé de collaborer en mettant à sa disposition» les textes encadrant la concession de son adversaire. Il s’est donc contenté des pièces reçues de MTN. Selon lui, l’attitude du régulateur de télécommunication, l’expert affirme dans son rapport qu’il ne sait pas le texte que MTN a violé, ni celui sur lequel le régulateur s’est appuyé pour prendre la sanction attaquée.
Pendant son intervention, l’avocat de MTN a expliqué que le régulateur des télécommunications a implicitement autorisé les compagnies de téléphonie mobile de déployé la 4G en 2014, alors que n’avait les textes devant régir l’utilisation de cette technologie n‘étaient pas encore rédigés. Face au vide juridique, «il fallait monter des stratagèmes pour booster l’efficacité du réseau. C’est dans cette logique que MTN Cameroun a fait usage d’un débit plus rapide que l’ART considère comme débordement», regrette l’avocat. Il estime que la sanction infligée à sa cliente est excessive, car «il n’y a de proportionnalité entre les faits et l’action sanctionnée».
Faute reconnue
De fait, l’amende de 500 millions de francs est le maximum de la pénalité infligé à un opérateur en cas d’utilisation frauduleuse des fréquences radioélectriques. «Les faits étaient-il si grave pour prononcer la sanction constatée alors que personne ne s’est plaint d’un quelconque désagrément ou d’un préjudice ?», s’est interrogé l’avocat de MTN trouvant que «la sanction a été prise sur des base fantaisistes».
Pour sa part, l’avocat de l’ART a balayé d’un revers de la main la défense de la compagnie de téléphonie mobile. Pour lui MTN Cameroun ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, car depuis 2014, l’ART lui a adressé des sommations l’appelant à se conformer à son cahier de charges. Il raconte que lorsque les faits au centre du conflit ont été découverts, MTN Cameroun a saisi l’ART d’une requête pour reconnaître sa faute, implorer sa mansuétude sollicitant que le montant de la pénalité soit revu à la baisse. Sur le caractère qualifié de disproportionné de l’amende, l’avocat de l’Etat a fait remarquer que la fourniture par MTN de la 4G décriée à ses consommateurs n’était pas gratuite. Avant de révéler qu’en 2016, MTN avait fait un chiffre d’affaires de 216 milliards de francs. «Est-ce que le souhait des consommateurs doit conduire les opérateurs à s’affranchir de la réglementation en vigueur ?», s’est-il interrogé. En réaction, l’avocat de MTN a répliqué que l’aveu de sa cliente fait auprès de l’ART après la découverte des faits déplorés n’était en réalité qu’une «une démarche républicaine».
En prenant ses réquisitions, le ministère public a estimé que l’ART, «le gendarme de la téléphonie» est la seule autorité habilitée à apprécier le montant d’une amende à infliger à un opérateur récalcitrant. De ce fait, il ne revient au juge administratif d’apprécier le montant de cette amende. Avant de suggérer au tribunal de rejeter le recours de MTN.