Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Moustapha Tiguele est derrière les barreaux depuis deux ans. Il répond devant le Tribunal criminel spécial (TCS) d’un supposé détournement de biens publics évalués à la somme de 286,3 millions de francs. Un supposé forfait qu’il aurait réalisé lorsqu’il dirigeait le magasin dit motorisation ou A0043 affecté à l’entrepôt des pièces de rechange du parc automobile de la Sodecoton, la Société de Développement du Coton.
Pour clarifier les faits décriés, l’accusation a fait entendre Joan Wakou le 29 juillet dernier, comme premier témoin à charge. Il s’agit d’un cadre à la direction de la production et du contrôle agricole à la Sodecoton, qui a mené l’audit inopiné du magasin A0043 déjà mentionné du 4 au 15 octobre 2019, et dont les résultats sont à l’origine des poursuites judiciaires engagées contre M. Tiguele.
Répondant aux questions des parties ainsi que celles du tribunal, M. Wakou a expliqué, de manière constante, que la Sodecoton dispose de deux magasins affectés à ses moyens de transport, notamment le magasin motorisation et le magasin roulement. Les deux magasins ont chacun un responsable placé sous la supervision d’un gestionnaire. Le rôle du gestionnaire consiste à saisir en machine toutes les opérations liées aux mouvements (sorties ou entrées) des pièces d’engins que lui transmettent les chefs magasiniers.
S’agissant de la procédure de la sortie d’une pièce d’engin d’un entrepôt, le chef de l’unité qui exprime le besoin peut introduire auprès du chef magasinier requis deux types de documents : soit un «ordre de transfèrement», soit un «ordre de cession» si le matériel sollicité est destiné aux cultivateurs. Ce n’est que sur la base de ces documents que le chef magasinier peut sortir une pièce. Pendant la période de l’audit, c’est un certain Karabou qui occupait les fonctions de gestionnaire des différents magasins, M. Ahmadou Seidou était le chef du magasin roulement, M. Tiguele celui de la motorisation.
Rupture de stocks
Concernant la méthode utilisée pendant son contrôle, M. Wakou précise que sa mission consistait à «vérifier les ruptures de stocks et faire les rapprochements des stocks». Ainsi, l’audit s’est déroulé en trois phases. D’abord, il exploitait les données de la machine du gestionnaire (le matériel acquis et les sorties). Ensuite, il scrutait la «fiche manuelle» tenue par le chef magasinier. Puis confrontait les différentes données avec l’existant : les pièces physiques effectivement entreposées dans le magasin. C’est de cette manière qu’il a pu déceler deux types d’irrégularités dans la gestion du magasin A0043. Selon lui, certains matériels étaient en surnombre, tandis que d’autres manquaient abondamment. Il a évalué les pièces excédentaires à un peu plus de 1 million de francs, et celles manquant à 286,3 millions de francs.
Singulièrement sur les matériels manquants, M. Wakou explique qu’alors que la fiche manuelle et les données en machine mentionnaient l’acquisition de 1751 pièces d’un type d’engins, il n’a retrouvé que 318 effectivement entreposées, soit 1443 de pièces en moins. Il affirme que l’accusé a reconnu tous les écarts.
Chose curieuse, le gestionnaire était censé contrôler les magasins placés sous sa supervision au moins 2 à 3 fois par mois. «Ces écarts ne pouvaient pas se produire en un mois. A ma connaissance, si chaque mois, le gestionnaire faisait le contrôle, il peut arriver qu’il y ait des écarts, mais pas énormes», a réagi le témoin répondant à une question du tribunal. La suite des débats avec l’audition des autres témoins à charge est programmée le 17 août 2021.