Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com
Sylviane Tchouant est détenue à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis novembre 2023. Mère de deux enfants âgés respectivement de 15 et 13 ans, elle est accusée d’escroquerie, tout comme Annette Ngatat, sa sœur, Roger Tiangy, son époux, et Mamouda Moupe, tous trois déclarés en fuite. Le 23 août dernier, elle a comparu devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé, centre administratif (CA), statuant en matière correctionnelle, où elle clame son innocence et dit avoir été piégée par sa sœur et coprévenue, Annette Ngatat. M. Ngapare Mfokui et Hamadou Moumouni Abdel Aziz, plaignants dans cette affaire, n’ont pas comparu.
Par la bouche de son avocat, Sylviane Tchouant a sollicité sa mise en liberté provisoire. Selon l’argumentaire de l’homme en robe noire, sa cliente a des soucis familiaux, car sa fille cadette, qui est traumatisée par l’arrestation de sa maman, a fugué et est livrée à elle-même, tout comme son frère aîné. «Ces enfants sont en déperdition. La justice est là pour protéger les mineurs. En l’état actuel de la procédure, la mise en liberté de l’accusée n’est pas susceptible d’entacher son procès. Sa liberté ne porte pas atteinte à l’ordre public», a déclaré l’avocat de la défense. Pour appuyer sa requête devant le juge, l’avocat a présenté au tribunal deux garants, tous deux amis de Sylviane Tchouant. Le ministère public a sollicité un renvoi pour se prononcer sur la demande de mise en liberté formulée par l’accusée.
L’aveu
Qu’est-ce qui est à l’origine des déboires judiciaires de Mme Tchouant ? Il ressort du procès-verbal de l’enquête préliminaire diligentée par le directeur de la police judiciaire que le 7 septembre 2023, à l’agence Afriland First Bank, sise au quartier Messa à Yaoundé, un certain M. Damry Siddick s’est présenté aux plaignants, Ngapare Mfokui et Hamadou Moumouni Abdel Aziz, comme un partenaire commercial, résident en Belgique. Il les a convaincus d’effectuer des virements respectifs de 35 et 30 millions de francs dans un compte ouvert au nom d’Annette Ngatat, en leur faisant miroiter, comme contre-partie, l’expédition des marchandises en provenance de l’Europe. Depuis lors, les victimes ne sont jamais entrées en possession de la marchandise, de même qu’elles n’ont jamais pu récupérer leur argent.
Interpellée au cours de l’enquête déclenchée par cette situation, la prévenue Sylviane Tchouant a reconnu les faits et a expliqué qu’elle fait partie d’un gang d’escrocs composé de Roger Tiangy, son époux, et un certain Mamouda Moupe. À l’information judiciaire, la mise en cause, qui a été inculpée des faits qualifiés d’escroquerie, est restée constante dans ses déclarations. Mais les recherches menées pour mettre la main sur Annette Ngatat, Roger Tiangy et Mamouda Moupe, accusés également des mêmes faits et sous le coup d’un mandat d’arrêt, sont demeurées infructueuses jusqu’à ce jour. Interrogée devant le juge, Sylviane Tchouant est cependant revenue sur ses aveux et a déclaré avoir été requise par sa sœur, Annette Ngatat, pour l’assister dans une transaction financière qu’elle devait effectuer à l’agence Afriland First Bank du marché Mokolo. C’est dans ces conditions, dit-elle, qu’elle a été interpellée, tandis qu’Annette Ngatat s’est évaporée dans la nature.
Déclaration variée
A la suite de l’enquête, le ministère public avait relevé que des charges étaient suffisantes contre tous les mis en cause. Le parquet a rappelé que Sylviane Tchouant avait reconnu les faits lors de l’enquête préliminaire. De ce fait, ses déclarations faites lors de son interrogation devant le juge ne devraient pasprospérer, car, en se présentant au guichet de Afriland First Bank, accompagnée d’Annette Ngatat pour procéder au retrait des fonds virés par M. Ngapare Mfokui et Hamadou Moumouni Abdel Aziz, elle avait certainement connaissance de l’origine frauduleuse de cet argent. Bien plus, ses déclarations faites à l’enquête préliminaire, confrontées à l’aveu de son affinité avec sa coaccusée, Annette Ngatat, démontrent à suffisance qu’elle fait partie du gang d’escrocs constitué par les autres accusés en fuite.
De même, a poursuivi le ministère public, le défaut de comparution des mis en cause Annette Ngatat, Roger Tiangy et Mamouda Moupe laisse présumer qu’ils ont agi ensemble et en accord pour commettre l’infraction d’escroquerie, qui consiste à porter atteinte à la fortune d’autrui, en déterminant fallacieusement la victime, soit par des manœuvres, soit en affirmant ou en dissimulant un fait. L’affaire a été renvoyée au 27 septembre 2024, à la demande du ministère public, pour se prononcer sur la demande de mise en liberté sollicitée par l’accusée et pour la comparution des victimes.