Par Louis NGA ABENA – louisngaabena@yahoo.fr
Un trio des juges du Tribunal administratif de Yaoundé va effectuer une descente à Nkombassi, un village situé dans l’arrondissement de Nkol-Afamba, dans le but d’examiner de près le litige foncier qui oppose Théophile Kono à Pierre Essomba Abanda et Joachim Essomba Abanda, respectivement père et fils. Cette décision a été prise le 6 avril dernier, après l’ouverture des débats autour de la plainte déposée par M. Kono dans laquelle il exige l’annulation du titre foncier N° 1272/Mefou Afamba couvrant une superficie d’un hectare délivré le 19 avril 2013 au profit des Essomba Abanda.
Dans cette affaire, M. Kono raconte qu’il est propriétaire d’un terrain d’une superficie d’un peu plus de 5 hectares situé à Nkombassi. Un patrimoine qu’il a hérité de ses parents et qu’il exploite depuis des lustres. Faute de moyens, il avait fait appel aux Essomba Abanda en vue de financer la procédure d’immatriculation et de lotissement de ladite parcelle. En contrepartie, il s’était engagé à payer la note en nature en leur octroyant 25% de la superficie totale immatriculée. Ce qui correspond à 1 hectare. Cette donation devait se faire par «morcellement», une fois établi le titre foncier envisagé. Le 15 novembre 2011, les parties avaient scellé le deal sous forme de «convention» signée devant Me Menye Ondo, notaire à Yaoundé.
Selon M. Kono, au mépris des clauses de la convention, les Essomba Abanda avaient plutôt introduit deux demandes «d’immatriculation directe» auprès de l’administration des Domaines. Une demande faite pour lui, tandis que l’autre dossier concernait les mis en cause qui sollicitaient l’immatriculation à leur profit d’un hectare résultant des 25% de la convention. L’administration avait délivré aux Essomba Abanda le titre foncier attaqué. Pour le plaignant, ce fait relève d’une grosse fraude foncière, car les accusés ont procédé à une immatriculation directe du site disputé bien que n’étant pas membres de la collectivité coutumière de Nkombassi.
En clair, M. Kono prétend que les Essomba Abanda s’étaient prévalus de ses biens, notamment toute sa cacaoyère, devant la commission consultative conduite par le sous-préfet, et chargée d’attester de l’exploitation ou de l’occupation des lieux à immatriculer par l’usager qui sollicite la délivrance d’un titre foncier. A ce mensonge s’ajoute, selon lui, la violation de l’article 9 du décret du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier : «sont habilités à solliciter l’obtention d’un titre foncier sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent, les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise à condition que l’occupation ou l’exploitation soit antérieur au 5 août 1974».
Me Menye Ondo
En 2014, le plaignant avait aussitôt attaqué la convention déjà évoquée en annulation devant le juge civil du Tribunal de première instance (TPI) de Mfou au motif que ses partenaires d’affaires n’ont pas rempli leur part du contrat. Le 10 juin 2015, le tribunal avait demandé à un géomètre de «reconstituer les bornes» sur le terrain litigieux. Parallèlement à cette procédure, le plaignant avait également sollicité auprès du président de la juridiction l’inscription d’une «prénotation judiciaire» sur le titre attaqué. Ce qui a pour conséquence d’empêcher des transactions avec le document jusqu’à l’issue des procédures judiciaires sur sa régularité.
Intervenants volontaires dans cette procédure judiciaire qui vise principalement le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires (Mindcaf), les Essomba Abanda soutiennent mordicus qu’ils «ont régulièrement immatriculé leur terrain reçu en contrepartie» dans le cadre de la convention passée avec M. Kono devant Me Menye Ondo. Comme le Mindcaf et le parquet, ils ont eux-aussi demandé au tribunal de déclarer le recours du plaignant tardif. Ils estiment que c’est au moins depuis 2014 que M. Kono a eu connaissance du titre foncier critiqué mais n’a attendu que 2016, soit plus de 2 ans, pour ouvrir les hostilités, alors qu’il ne disposait que d’un délai de 90 jours pour ouvrir les hostilités. «L’argument de la fraude corrompt tout ne peut prospérer dans le cas d’espèce», a estimé le ministère public.
Les Essomba Abanda méritaient-ils d’obtenir leur titre foncier à travers une immatriculation directe ? C’est ce que les juges veulent aller vérifier sur le terrain à condition que Théophile Kono paie 300 mille francs représentant les frais de la descente du tribunal à Nkombassi.