Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
La bataille pour le contrôle et la gestion du patrimoine (actifs résiduels) de trois ex-sociétés d’Etat : l’ex-Regie des Chemins de Fer du Cameroun (Régifercam), l’ex-Office National des Ports du Cameroun (Onpc) et l’ex-Office National de Commercialisation des Produits de Bases (Oncpb), fait des ravages au sommet de l’Etat. Le feuilleton en cours concerne la guerre ouverte entre Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République (SG/PR), et Lazare Atou, propriétaire du cabinet de ATOU, jusqu’ici gérant du patrimoine en question.
Le 20 août dernier, sur instruction du SG/PR, le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncière, M. Henri Eyebe Ayissi, a signé l’arrêté N°1008 portant retrait de la mutation des titres fonciers N° 25885 et N° 35886/Wouri appartenant à l’ex-Régifercam cédés par le cabinet Atou à la Société Luxury Suites Group, une entreprise spécialisée dans l’immobilier. Les visas de l’arrêté dont Kalara a obtenu copie indiquent que la décision du ministre des Domaines est intervenue au bout d’un échange épistolaire avec le SG/PR Ngo Ngoh. «Acte est pris, écrit M. Eyebe Ayissi, de la faute de l’administration matérialisée par la mutation des titres fonciers […] en violation des très hautes instruction du chef de l’Etat». Les «très hautes instructions» dont il fait allusion sont contenues dans une correspondance que le SG/PR lui a adressé deux mois plus tôt, le 24 juin, «prescrivant au Cabinet Atou de surseoir immédiatement à toute tentative d’aliénation du site de la directions générale de l’ex-Régifercam à Douala-Bonanjo».
Le ministre des Domaine indique dans son arrêté que les immeubles objets des titres fonciers retirées «réintègrent le domaine privé de l’Etat». M. Eyebe Ayissi n’indique pas dans son arrêté les fonctionnaires qui ont participé aux mutations querellées étaient au courant des instructions du SG/PR, mais leur impute la faute comme s’il esquivait M. Atou pourtant au centre de la transaction déplorée.
En tout cas, le retrait des deux titres fonciers semble être le premier acte d’une longue série. Pour cause : dans une autre correspondance du SG/PR datée du 2 juillet 2021, et dans laquelle M. Ngoh Ngoh instruit M. Eyebe Ayissi de «retirer le titre foncier N°1023/Wouri établi par le cabinet Atou au nom de l’ex-Oncpb sur un terrain du domaine public portuaire», et de le reverser dans le domaine public portuaire de l’Etat. Il poursuit : «Vous ferez également toutes les diligences (…) pour la mise en œuvre rapide des très hautes directives données au ministre des Finances par le chef de l’Etat prescrivant de mettre un terme, dans un les meilleurs délais, au mandant donné au cabinet Atou pour la sauvegarde» du patrimoine des trois ex-sociétés d’Etat.
Face à la situation, M. Atou, clerc d’huissier de justice, n’est pas resté les mains mortes. Dans un recours gracieux introduit auprès du SG/PR, il a profité de l’occasion pour lever les bretelles à M. Ngoh Ngoh. Dans ce recours, il qualifie de «honteux tissu de mensonges» les hautes instructions attribuées au chef de l’Etat. «Je ne veux pas suivre cet exemple qui tend à éroder la confiance et le crédit accordé à la plus haute instance de notre administration, en soumettant à caution le caractère authentique des termes de vos correspondances évoquées», écrit-il.
M. Atou a déposé une dénonciation au parquet général près le Tribunal criminel spécial (TCS) dénonçant de soupçons de malversation dans l’attribution et le règlement d’un marché spécial signé par M. Ngoh Ngoh pour la sécurisation du site portuaire de Douala. Suite à cette récrimination, le directeur général du Port autonome de Douala a déjà été entendu par les fins limiers de la juridiction d’exception.
Ce n’est pas la première fois que la gestion du patrimoine des trois ex-sociétés d’Etat occupe le devant la scène. Le 28 juillet 2008, M. Essimi Menye, alors ministre des Finances avait retiré le mandat de la sauvegarde des actifs résiduels au cabinet Atou et avait confié la tâche au cabinet de feu François Tchakui. M. Atou ne s’est pas plié à la décision en menant une gestion parallèle.