Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
Vingt-deux mois après l’enrôlement du dossier en audience publique devant le Tribunal criminel spécial (TCS), les juges viennent enfin de démarrer l’interrogatoire des témoins de l’accusation dans l’affaire impliquant deux anciens directeurs généraux (DG) de la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) : Basile Atangana Kouna et Jean William Sollo et leurs quatre compagnons d’infortune. Une procédure née à la suite de deux plaintes distinctes déposées par les deux principaux protagonistes au parquet général près le TCS.
Le 10 et le 11 août dernier, Jean Christophe Bekonge, l’ancien directeur des affaires juridiques de la Camwater a planté le décor en présentant de manière sommaire les charges retenues contre chaque accusé précisant que l’ex-chef service de la comptabilité, François Onguene, apportera plus de précisions sur les points financiers.
Répondant aux questions du ministère public, le témoin a expliqué que M. Sollo a dirigé la Camwater entre mars 2012 et février 2016. Après son limogeage, son successeur a fait auditer sa gestion. Cet audit a mis en évidence de supposées irrégularités imputées au DG sortant. Suite à cet audit, Basile Atangana Kouna, le ministre de l’Eau et de l’Energie et président du conseil d’administration de la Camwater a déposé une plainte contre son coaccusée et consorts.
Selon le témoin, M. Sollo a engagé trois sociétés privées pour recouvrer les dettes de la Camwater auprès de certaines administrations. Les 2 milliards de francs d’honoraires perçus par Stanislas Victor Atangana, René Martin Mbida et Jean Parfait Koe sont qualifiés de détournement. «L’Etat n’a pas besoin d’engager des tiers pour recouvrer les créances de l’Etat sur l’Etat». Il est en outre reproché à M. Sollo de s’être octroyé le 21 février 2016, une avance de salaire d’un montant de 96 millions de francs d’avance. Pour M. Bekonge, cette opération n’a pas de base légale. Il a donné lecture d’une série de dispositions pour montrer qu’il «était irrégulier pour le DG, en qualité de dirigeant social, de s’adresser une demande d’avance de salaire, l’examiner et la satisfaire sans l’autorisation du conseil d’administration».
Dette CDE
En septembre 2013, le ministre des Finances (Minfi) avait institué un comité ad-doc chargé d’examiner la situation des dettes réciproques entre l’Etat, la Camwater et la Camerounaise des Eaux (CDE). Ce comité était supervisé par le secrétaire général du Minfi. On fait le reproche à M. Sollo d’avoir ordonné le décaissement de 532 millions de francs pour le fonctionnement du comité. «Personne n’a reconnu avoir perçu les perdiems versés par la Camwater indiquant avoir été pris en charge par leur administration d’origine», déclare M. Bekonge.
M. Sollo et Atangana Kouna sont accusé d’avoir bradé le parc automobile de l’entreprise d’Etat pendant leur période de gestion respective entre 2005 et 2015. Selon l’accusation, les véhicules déclarés amortis étaient revendus à des particuliers sans l’aval du conseil d’administration. Le prétendu manque à gagner est qualifié de détournement soit 328,8 millions de francs pour M. Atangana Kouna et 744,2 millions de francs pour M. Sollo. L’interrogatoire de M. Bekonge se poursuit les 6 et 7 octobre prochain.
Rappelons que l’ex-ministre Atangana Kouna et M. Sollo passent en jugement pour de supposés détournement de la somme de près de 5 milliards de francs. Enrôlé pour la première fois en audience publique en novembre 2019, les discussions n’ont achoppé que sur l’offre de restitution de 1,2 milliard de francs formulée par l’ex-ministre Atangana Kouna. Ce dernier demandait au tribunal de lever temporairement le blocus sur ses comptes bancaires et son coffre-fort logés à la BGFI-Bank afin de lui permettre de restituer l’intégralité des fonds mis à sa charge. Le tribunal a prévu se prononcer sur le sujet à la fin du procès.