Affaire Martinez Zogo : Enfin le face à face entre Justin Danwé et Maxime Eko Eko

Par Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com On s’achemine probablement vers la fin de l’enquête judiciaire menée par le juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé au sujet de l’enlèvement suivi de la mort atroce de M. Mbami Zogo dit Martinez Zogo en janvier 2023. Le lieutenant-colonel Sikati Kemwoe, magistrat-militaire chargé de ce dossier, a visiblement mis les chevaux depuis les début de ce mois de novembre pour avancer avec ses investigations, lesquelles ont culminé la semaine dernière avec la confrontation, dans cette phase de la procédure, entre le patron de la Direction générale des recherches extérieures (Dgre), le commissaire de police divisionnaire Maxime Léopold Eko Eko, et l’un de ses collaborateurs, le directeur des opérations de la Dgre, le lieutenant-colonel Justin Danwé. Les deux hommes sont inculpés dans cette affaire et placés en détention provisoire depuis le 4 mars 2023. Lire aussi : Les hésitations du juge d’instruction militaire devant Justin Danwé Apparu comme l’homme-orchestre du drame au centre de la procédure judiciaire, selon les conclusions de l’enquête menée par la commission mixte gendarmerie-police, M. Danwé n’avait pas encore été entendu par le juge d’instruction du Tribunal militaire depuis son inculpation, à la différence de tous les autres inculpés. Cette situation pour le moins curieuse a évolué le 3 novembre 2013, le lieutenant-colonel Sikati Kemwoe ayant démarré ce jour-là, enfin pourrait-on dire (lire Kalara N°476), l’interrogatoire de son camarade d’armes, le lieutenant-colonel Justin Danwé. «Unique accusateur» D’après des sources proches de l’enquête, le directeur des opérations de la Dgre est resté campé sur ses premières déclarations au cours des cinq jours de son audition. La confrontation avec M. Eko Eko, qui a toujours clamé son innocence dans ce dossier, paraissait de ce fait incontournable, l’interpellation du patron de la Dgre ayant essentiellement reposé, pour éviter de dire exclusivement, sur les déclarations de son collaborateur. Selon diverses sources contactées par votre journal, notamment les avocats des concernés, cette confrontation a eu lieu la semaine dernière. Dans un communiqué de presse parvenu à la rédaction de Kalara (lire en page 4), les avocats du patron de la Dgre révèlent d’ailleurs que ce face à face a été sollicité par leur client. «A la demande de M. Eko Eko Léopold Maxime, écrivent-ils, celui-ci a été confronté à un ensemble de témoins et à son unique accusateur.» Les diverses confrontations ici évoquées se sont déroulées du mardi, 14 novembre, au vendredi, 17 novembre. Et les conseils du patron des renseignements, qui prennent la précaution de ne nommer personne d’autre dans leur communiqué, précisent que «les allégations formulées par ce dernier (l’accusateur qui n’est personne d’autre que M. Danwé) n’ont pu être soutenues à l’encontre de M. Eko Eko Léopold Maxime. Au contraire» . Lire aussi : Maxime Eko Eko, une victime dans le costume du bourreau… Les conseils du commissaire de police divisionnaire redisent que la place de leur client n’est pas en prison, encore moins dans le box des accusés : «comme M. Eko Eko Léopold Maxime n’a eu de cesse de l’affirmer depuis sa mise en cause infondée dans cette tragique affaire, aucune charge ne saurait être valablement retenue contre lui ; ce, d’autant plus que l’article 311 du code camerounais de procédure pénale prescrit que "le Tribunal ne peut fonder sa décision sur la déposition d’un coprévenu à moins qu’elle ne soit corroborée par des témoignages d’un tiers non impliqué dans la cause ou par tout autre moyen de preuve", ce qui n’est pas le cas en l’espèce.» De toutes les façons, les conclusions du juge d’instruction sont attendues pour savoir ce qu’il en sera, à moins qu’il prenne l’option d’anticiper en levant d’office le mandat d’incarcération de M. Eko Eko, si sa lecture du dossier rejoint celle des avocats du patron de la Dgre. Lire aussi : Maxime Eko Eko sollicite la remise en liberté sous surveillance Le communiqué de presse reçu par Kalara indique bien qu’en dehors de «son unique accusateur» , M. Eko Eko a aussi été confronté «à un ensemble de témoins» . Lesdits témoins, selon les sources de votre journal, sont essentiellement d’autres responsables de la Dgre. Et ces derniers se seraient exprimés notamment sur les contrastes entre le mode d’intervention habituel de l’institution qui les emploie et le scenario de la traque et de l’enlèvement spectaculaire de M. Martinez Zogo, tel que décrit par les membres du commando mobilisé pour la circonstance. Les dépositions de ces témoins écarteraient toute implication de la Dgre dans le meurtre de l’homme des médias, et, par voie de conséquences, la responsabilité du patron de l’institution. Et ce n’est pas une première : devant la commission mixte gendarmerie-police, la version des faits de M. Danwé avait déjà été vigoureusement contestée par certains témoins. Et cette commission mixte avait conclu à l’absence des charges, selon elle, contre M. Eko Eko. Chef du commando La série des confrontations entre le lieutenant-colonel Justin Danwé ne s’achève pas avec son face à face avec M. Eko Eko et les autres responsables de la Dgre. Kalara a appris hier, au moment où cet article était en préparation, que le directeur des opérations a été confronté avec M. Ebo, le chef de l’équipe du commando qui était sur le terrain, notamment pendant les filatures de Martinez Zogo, son enlèvement, et les supplices auxquels il avait été soumis jusqu’à ce qu’il perde la vie. Devant la commission mixte gendarmerie-police qui avait mené l’enquête préliminaire, M. Ebo avait donné sa version des faits, reconnaissant son implication dans les événements ayant conduit au décès de l’homme des médias. Tout comme M. Danwé. En principe, la confrontation a pour but de balayer les zones de doute qui subsistent jusqu’ici aux yeux du juge d’instruction. Il est possible que ce dernier insiste pour savoir si, effectivement, l’animateur vedette de Amplitude FM était mort entre les mains du commando ou s’il avait été récupéré par une autre équipe de tortionnaires comme l’avait déclaré le directeur des opérations de la Dgre lors de sa première déposition à la gendarmerie. Des déclarations que Reporter Sans Frontière avaient abondamment relayées à travers le monde. Lire aussi : Ils expliquent comment ils avaient torturé Martinez Zogo… Rappelons que c’est à travers cette première déposition que M. Danwé, premier suspect à être interpellé dans cette affaire, avait ouvert la brèche à la mise en cause de son patron. Il avait déclaré avoir rendu compte au patron de la Dgre de l’opération ayant abouti au décès par tortures de Martinez Zogo. Et, à partir de cette déclaration, diverses personnalités étaient entrées en jeu pour obtenir la mise aux arrêts du commissaire divisionnaire Eko Eko. Parmi ces personnalités, le secrétaire d’Etat à la Défense (SED) chargé de la gendarmerie, dans le cadre d’un compte-rendu adressé à la hiérarchie, mais aussi le secrétaire général de la présidence de la République, pour obtenir l’autorisation du chef de l’Etat comme c’est de règle au Cameroun lorsque des personnalités du rang du patron de la Dgre sont impliquées dans une procédure judiciaire. Il faut ajouter à la liste le ministre délégué chargé de la Défense, qui aurait convaincu M. Eko Eko, selon divers témoignages, à se rendre dans les locaux du SED à la demande de la hiérarchie pour prendre part à une séance de travail. Et c’est depuis-là que le patron de la Dgre avait été mis aux arrêts puis inculpé plus tard de complicité de torture. Amougou Bélinga Pour mémoire, Martinez Zogo avait fait l’objet de plusieurs filatures d’un commando mis sur pied pour l’enlever, en janvier 2023, alors qu’il était lancé dans une série de «dénonciations» dans le cadre de son émission baptisée «embouteillage», avec pour principale (mais pas unique) cible M. Jean-Pierre Amougou Bélinga, patron du Groupe l’Anecdote, accusé à l’occasion de fraudes fiscales massives et de détournements de fonds publics. Le 17 janvier 2023, à la tombée de la nuit, ces filatures avaient abouti à l’enlèvement spectaculaire de l’homme de médias devant la brigade de gendarmerie de de Nkolfon. Il avait été soumis dès lors à de multiples sévices qui aboutirent à son décès dans des conditions horribles. Le 22 janvier suivant, le corps sans vie de Martinez Zogo était retrouvé sur un terrain vague à Ebogo III, localité voisine de Yaoundé dans la Mefou et Afamba. L’enquête ouverte a conduit à l’interpellation de divers suspects. Certains ont été inculpés de complicité de tortures au nombre desquels M. Eko Eko et M. Amougou Belinga. La confrontation attendue entre ce dernier et M. Danwé constituera sans doute un autre moment important de l’information judiciaire ouverte, les avocats de l’homme d’affaires contestant les premières déclarations de M. Danwé, que certaines sources présentent comme une vieille connaissance de l’homme d’affaires. M. Amougou Belinga est suspecté d’avoir financé les activités du commando de la mort et reçu les comptes rendu des opérations au cœur de la procédure judiciaire.

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