Agée de 37 ans, Javeline est une femme courageuse et ambitieuse. Arborant un long «kaba» de couleur noirâtre, elle semble encore affectée par le décès qui a frappé sa nourrice. Elle est à l’origine d’une procédure judiciaire devant le Tribunal pour solliciter l’ouverture de la succession de Dorothée, sa tante maternelle, décédée il y a quelques mois. Elle avait été désignée administratrice des biens de sa tante par le conseil de famille. Elle a plutôt été désignée administratrice des biens. Pour donner du poids à sa requête, la dame s’est faite accompagnée par cinq-témoins, tous membres de sa famille. Javeline espérait faire aboutir la semaine dernière. Après avoir parcouru le dossier de procédure soumis à son appréciation, le juge, qui examine le dossier, a détecté quelques irrégularités. Elle a constaté et s’est indigné que cette succession de Dorothée n’avait pas d’héritier :«Comment comprendre qu’une succession soit sans héritier?», s’est demandé le juge dès l’ouverture des débats.
Sereine dans son récit, Javeline a relaté au tribunal que Dorothée n’a pas eu d’enfants bien qu’étant officiellement mariée à Jonas sous le régime de la polygamique. Décédée il y a quelques mois dans un centre de santé de la ville de Yaoundé, elle a laissé derrière elle un grand héritage. La recourante soutient que sa tante et son défunt époux se sont occupés d’elle, depuis l’âge de 6 ans. «J’ai vécu avec ma tante jusqu’à son décès. Elle me considérait comme la fille qu’elle n’a jamais eue. J’entretiens de parfaites relations avec sa belle-famille. J’ai d’ailleurs reçu la procuration du chef de famille pour me présenter devant le tribunal et faire-valoir mes droits», a-t-elle soutenu.
Embarras
En réalité, Javeline convoite une parcelle de terrain que lui aurait léguée la défunte: «Elle m’avait donné ce terrain. Toute la famille peut le témoigner. Je veux juste jouir de mon bien», a-t-elle renchéri. «Votre bel oncle avait-il des enfants?», a interrogé le tribunal. «Oui, a répondu la jeune dame. Il a eu des enfants avec sa deuxième épouse. Avant le décès de son mari, ils étaient déjà séparés. Elle est revenue en famille jusqu’au jour de sa mort. Elle a été enterrée dans notre famille. J’entretiens de très bonnes relations avec les enfants de son mari, puisque nous avons grandi ensemble. Ils ne s’opposent pas à ce que je récupère ce qui me revient. Le terrain que je réclame est un bien que ma tante a acquis avant le mariage. Le titre foncier a été établi en son nom de jeune fille».
«Vous a-t-elle officiellement adoptée de son vivant où alors vous a-t-elle légué ce terrain par devant notaire?», a insisté le juge. Javeline a répondu par la négative. «Vos frères et sœurs sont-ils au courant de cette procédure?» «Personne ne s’y oppose. Ils sont d’ailleurs parmi mes témoins», a-t-elle expliqué en pointant du doigt deux d’entre eux.
Embarrassé par les déclarations de Javeline, le tribunal a décidé de mener davantage son enquête. Le juge a expliqué à la plaignante que le fait pour sa tante d’être à un mariage polygamique et l’avoir élevée comme sa propre fille ne lui donne pas le droit d’ouvrir sa succession. C’est une femme mariée, qui n’a jamais divorcé de son époux. Elle appartient déjà à une autre famille. La procuration que vous avez brandie n’est pas une preuve suffisante pour nous convaincre que la famille de son mari est au courant de cette procédure. Il faut qu’ils se présentent devant le tribunal. Et même si votre action était recevable, il faudrait aussi que vos frères renoncent à la succession pour que vous en bénéficiez. Je crains que ça soit une tentative de détournement de succession», a noté le juge. Les témoins invités par Javeline n’ont pas été entendus. Ils devront revenir à la prochaine audience au mois d’août 2022. L’affaire a été renvoyée pour la comparution de la famille de Jonas et la production des lettres de renonciation des frères de Javeline.