Par Odette Melingui- -odettemelingui2@gmail.com
Mérès Aymar Tamo et Alain Oscar Yiala, deux sous-officiers de gendarmerie, sont-ils coupables ou non de l’infraction de viol aggravé qui leur sont reprochés? Le juge du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi doit répondre à cette question dans son verdict prévu le 28 septembre 2021. Les mis en cause, qui comparaissent libres, sont accusés d’avoir, chacun, violé et sodomisé Vanessa (nom d’emprunt) une jeune étudiante de 20 ans à l’époque des faits. Devant la barre, ils nient les faits qui leurs sont reprochés, et déclarent que la plaignante était consentante. À l’audience du 24 août 2021, le magistrat du parquet a requis la culpabilité des deux gendarmes et a demandé au tribunal de les condamner proportionnellement à l’acte qu’ils ont commis.
Pendant leurs plaidoiries, les avocats de Vanessa se sont alignés aux réquisitions du représentant du ministère public. Ils ont ensuite expliqué que les gendarmes, après leur sale besogne, ont abandonné la supposée victime au carrefour Nkolbisson. Les gendarmes ont été rattrapés dans leur course folle dans les embouteillages par une équipe de patrouille, qui a été alertée par les cris de la jeune fille. «Ils essayent aujourd’hui de faire passer notre cliente pour une fille facile et déclarent qu’elle était consentante. Pourtant, les accusés ont avoué les faits devant le commandant de brigade de gendarmerie de Nkolbisson qui les a curieusement libérés» a déclaré l’un des avocats . Mais les parents de Vanessa, qui n’ont pas lâché prise, ont déposé une autre plainte devant la Légion de gendarmerie du Centre. C’est cette procédure qui se poursuit devant le TGI. Face aux déclarations des accusés qui clament leur innocence, l’accusation a fait recours aux images de la caméra de contrôle de l’auberge, des téléphones des mis en cause ainsi que les listings des appels téléphoniques pour confondre les deux pandores. L’homme en robe noire a ajouté que les accusés ont contraint la jeune étudiante à faire sa toilette intime après le viol pour ne pas laisser de traces du forfait. Conscient de la gravité des faits et dans le but d’étouffer l’affaire, Mérès Aymar Tamo, à travers son épouse, est entré en négociation avec la famille de Vanessa pour un arrangement à l’amiable. « Pour cet arrangement, les deux gendarmes ont versé à la famille de la victime, la somme d’un million de francs et M. Tamo a également offert une voiture. Ce dernier qui avait estimé avoir payé le prix fort dans cette affaire contrairement à son complice, a décidé de reprendre son véhicule créant ainsi le courroux des parents de l’étudiante. Raison pour laquelle cette affaire a resurgi au tribunal».
Pour la défense, il n’y a pas d’éléments de preuve pour faire condamner les gendarmes dans cette procédure. L’avocat des accusés a soutenu que c’est la jeune fille, qui a choisi l’auberge et c’est encore elle qui a fixé le montant qu’elle devrait recevoir des deux hommes après l’acte sexuel. Il a demandé au tribunal de requalifier les faits de viol aggravé reprochés à leurs clients en ceux de prostitution. «C’est la dame qui a proposé qu’on lui donne 50 mille francs et elle a accepté de prendre les 5 mille francs qu’on lui a remis. Il y a commerce de sexe et non viol» a conclu l’avocats.
Il ressort de l’ordonnance de renvoi (acte d’accusation) dont votre journal a obtenu copie que le 17 octobre 2018, Vanessa a été kidnappée par Mérès Aymar Tamo et Yiala Alain Oscar. Ces derniers l’ont trainée dans une auberge au quartier Nkolbisson où ils ont entretenu des relations sexuelles avec elle à tour de rôle. C’est le lendemain que le père de l’étudiante a été informé qu’une procédure relative à ce forfait est pendante à la brigade de gendarmerie de Nkolbisson. Une autre plainte avait également été déposée à la première Légion de gendarmerie contre les deux hommes en tenue. Ces derniers avaient alors remis au père de Vanessa la somme d’un million de francs représentant les frais des soins médicaux de sa fille.
Assauts sexuels
Pendant l’enquête préliminaire, Vanessa a raconté aux enquêteurs le film de son agression sexuelle. Elle avait relaté qu’elle avait fait la connaissance de Mérès Aymar Tamo en juillet 2018. A cette époque, ils entretenaient leur relation à travers les messages électroniques (whatsapp). Le 17 octobre suivant, les deux amoureux s’étaient retrouvés au quartier Mokolo et ont décidé de prendre un pot, M. Tamo ayant pris à bord du même véhicule son collègue gendarme Yiala Alain Oscar venu de Kumba. A l’auberge, théâtre du viol présumé, Mérès Aymar Tamo s’est fait passer pour un employé de la CCA Bank et Yiala Alain Oscar s’était présenté comme un homme d’affaires basé à Dubaï. C’est à cet endroit que la jeune étudiante muselée avait subi des assauts sexuels atroces et répétés pendant de nombreuses heures. Le certificat médico-légal délivré le 23 octobre 2018 par le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Yaoundé parle de l’état de détresse de l’étudiante mais ne met pas en évidence les éléments attestant d’une agression sexuelle récente probablement à cause d’une toilette vaginale faite après les rapports litigieux.
Interpelés, les deux gendarmes avaient reconnu les faits mis à leur charge avant de se rétracter lors des débats. M. Tamo avait déclaré pour sa part que Vanessa qu’il connaissait à peine, lui a posé un problème de 50.000f relatif à ses frais de scolarité à l’université de Soa. De commun accord, son collègue et lui ont décidé de les lui donner à condition d’avoir des rapports sexuels avec elle. Alain Oscar Yiala avait également reconnu avoir entretenu des rapports sexuels consentantes avec Vanessa en compagnie de M. Tamo. Les militaires avaient nié avoir usurpé les identités. Mérès Aymar Tamo et Yiala Alain Oscar seront fixés sur leur sort le 28 septembre prochain.