Le matricule solde de M. Falheu Siakio a-t-il fait l’objet de grossières manipulations au ministère des Finances ? L’intéressé, instituteur à la retraite, en est pleinement convaincu. D’ailleurs, il conteste devant le Tribunal administratif du Centre un «ordre de recette» que lui a servi le ministère des Finances (Minfi) en 2021. Ordre de recette dans lequel il est appelé à restituer au trésor public la somme d’un peu plus de 4,6 millions de francs. Un montant qu’il aurait perçu en trop grâce à des fluctuations constatées sur sa pension retraite, indique le Minfi. Il s’agit de 85.500 francs en 36 mois, augmenté de différents montants qualifiés d’indus.
Même si l’ancien enseignant reconnaît qu’effectivement, des années durant, le montant de sa pension-retraite variait d’un mois à l’autre sans explication, il rejette cependant le calcul opéré par le Minfi pour parvenir au montant en cause. Il estime de ce fait que l’ordre de recette querellé a été établi de manière «arbitraire et criminelle». Le tribunal a commencé à entendre les arguments des parties au procès le 7 mars 2023.
Pendant son intervention, M. Falheu Siako a longuement expliqué que lorsqu’il était en fonction, il enseignait pas moins de 14 matières, dont les mathématiques, l’arithmétique, la géométrie. Comme pour dire à mots voilés qu’il a bonne connaissance des techniques de calcul. Poursuivant, il indique qu’il avait eu un accident de travail. Ce qui l’a conduit à prendre «une retraite anticipée», après 36 ans de service, et de bénéficier d’une pension d’invalidité. Il a terminé sa carrière comme directeur d’école sans le moindre reproche. Et pendant ses années de service, il avait perçu toujours son salaire sans problèmes. Raison pour laquelle il réfute catégoriquement la thèse selon laquelle il s’est indûment rempli les poches sur le dos du trésor public à la retraite.
Digne instituteur
De fait, l’arrêté du Minedub déjà mentionné semble être à l’origine des malheurs du vieil enseignant. Ce dernier indique qu’une «erreur» portant sur «le décompte des annuités» s’était en fait glissée dans ledit arrêté. Il a dû introduire une requête auprès du ministre afin que cette erreur soit corrigée. Après rectification, le second arrêté du Minedub fixe sa pension-retraite à 198 mille francs, lui alloue une prime d’installation, une allocation familiale pour trois enfants mineurs, ainsi qu’une pension d’invalidité.
Habituellement, explique M. Falheu Siako, lorsqu’un fonctionnaire prend sa retraite, il attend désormais tout au plus deux mois pour commencer à percevoir sa pension-retraite. Mais à cause de sa requête en rectification de l’arrêté du Minedub, le délai a été rallongé. En mai 2015, il a plutôt perçu une pension de 184 mille francs. Par la suite, il a perçu une pension et une série de rappels avec des montants variables. Tantôt son salaire était suspendu, tantôt il recevait un bulletin de solde nul. Tout ceci sans aucune explication. Le vieil enseignant déclare qu’il s’est plaint en vain de l’instabilité du montant de sa pension-retraite. «J’ai multiplié les requêtes pour que stoppent les variables. Je me suis résolu à l’idée qu’on ne veut pas me donner ma pension. J’abandonne tout puisque n’ayant plus les jambes pour grimper les escaliers.»
Le 21 mai 2021, le ministre des Finances lui a signifié l’ordre de recette critiqué lui réclamant le remboursement de la «somme indûment perçue après la liquidation définitive de [ses] droits à pension». Le plaignant déclare ne pas se reconnaître dans le montant réclamé, car, dit-il, «si tel était le cas, j’aurais pris un prêt pour restituer». Vantant sa rectitude morale, M. Falheu Siako déclare que l’idée de frauder ne lui a jamais traversé l’esprit. «Quand je veux faire quelque chose, dit-il, je me pose d’abord la question est-ce digne d’un instituteur.» Le vieil enseignant déclare que c’est après avoir traîné l’Etat en justice à son corps défendant qu’il a commencé à toucher les allocations familiales pour ses «trois enfants mineurs» d’un montant 7500 francs. Le tribunal a coupé court en commettant une «expertise financière» pour l’aider à voir clair dans l’affaire. Le paiement des honoraires de l’expert, fixés à 500 mille francs, est à la charge de l’instituteur à la retraite.