Par Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com
L’information judiciaire autour de l’enlèvement et de la mort brutale de M. Mbami Zogo Martinez se poursuit sous les auspices du colonel-militaire Nzié Pierrot Narcisse, le nouveau juge d’instruction chargé du dossier, exactement comme si le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo n’avait pas rendu l’ordonnance de remise en liberté du 1er décembre 2023. Le 3 janvier dernier, en effet, M. Maxime Léopold Eko Eko, qui avait bénéficié justement d’une mainlevée d’office de son mandat de détention provisoire bloquée par le ministre de la Défense, s’est prêté à une nouvelle confrontation avec le lieutenant-colonel Justin Danwé, le présumé homme-orchestre des malheurs de l’animateur radio. Et cette fois, c’est l’enceinte de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre) qui a servi de cadre à cette confrontation. Le nouveau juge d’instruction y a organisé un «transport judiciaire», c’est-à-dire une descente sur les lieux, avec tous les protagonistes impliqués à cette phase de son enquête.
Le colonel-militaire Nzié Pierrot entend manifestement se faire sa propre religion sur les divergences qui persistent dans les versions des faits respectives de M. Danwé, ancien Directeur des opérations (DO) de la Dgre, et M. Eko Eko, ancien Directeur général (DG) de l’institution. Devant la police judiciaire, le premier cité avait témoigné à plusieurs reprises avoir pris l’initiative du traitement du cas Martinez Zogo sur la demande insistante de son ancien patron. C’est l’origine des déboires judiciaires de M. Eko Eko. Et M. Danwé avait indiqué avoir rendu compte au DG de ses actes les 18 et 23 janvier 2023, soit au lendemain de l’enlèvement de l’animateur radio et 24 heures après la découverte de son corps. Version des faits renouvelée devant le juge d’instruction. Or, l’ancien DG de la Dgre a toujours contesté cette version des faits. Et jusque-là, les vérifications matérielles et les témoignages de toutes les personnes interrogées ont conforté la position de M. Eko Eko.
Eko Eko
Le transport judiciaire de la semaine dernière a-t-il apporté une nouvelle lumière à l’enquête ? Selon les informations recueillies auprès des sources dignes de foi, la réponse serait non. Pendant les longues heures passées à l’enceinte de la Dgre, le nouveau juge d’instruction aurait reçu le témoignage de toutes les personnes rencontrées sur place que Justin Danwé n’a jamais été rencontré M. Eko Eko à son bureau les 18 et 23 janvier 2023. Tous les couloirs menant au cabinet du Dgre auraient été visités et revisités. Par ailleurs, la surveillance vidéo qu’entendait aussi exploiter le colonel-militaire dans son enquête est défaillante : excepté certains services, dont la DO, les caméras de surveillance ne sont pas fonctionnelles dans le cabinet du Dgre et dans les couloirs. La réhabilitation de la surveillance vidéo dans le service était encore en projet, apprend-on. Pour l’enquête, ce serait donc le statu quo concernant le cas Eko Eko.
En fin de semaine dernière, le colonel – magistrat Ndzié Pierrot s’est aussi intéressé à la relation Justin Danwé – Jean-Pierre Amougou Belinga, qui était concerné par l’ordonnance de levée d’office des mandats de détention provisoire du 1er décembre 2023. En dépit de nombreuses variations de sa version des faits, l’ancien DO de la Dgre a plusieurs fois désigné le patron du Groupe l’Anecdote comme l’un des commanditaires des malheurs de Martinez Zogo, ce que M. Amougou Bélinga nie de façon catégorique. Devant la commission mixte gendarmerie-police, les deux hommes avaient fait l’objet de plusieurs confrontations (lire ci-contre) compte tenu de leurs versions contradictoires, mais le juge d’instruction Sikati II Kamwo s’était totalement refusé à les confronter, on ne sait trop pourquoi, se précipitant ainsi à mettre un terme à son enquête concernant l’homme d’affaires. Manifestement, le nouveau juge d’instruction n’a pas un même regard sur le dossier.
Ce ne sont pas les seuls chantiers que le colonel-magistrat Pierrot Ndzié essaie de faire avancer depuis qu’il a hérité du dossier Martinez Zogo. Kalara sait aussi, de sources introduites, que, entre le 27 et le 28 décembre dernier, le juge d’instruction a longuement interrogé M. Stéphane Martin Savom, l’un des tout derniers inculpés de ce dossier, maire de la commune de Bibey dans la Région du centre, qui est incarcéré à la prison centrale de Yaoundé Kondengui. C’est sous le magistère du lieutenant-colonel Sikati II Kamwo, en novembre 2023, que l’enquête s’était orientée vers M. Savom. Ce dernier avait été interrogé au début en tant que témoin après sa première convocation, mais c’est le nouveau juge d’instruction qui l’a placé en détention provisoire, après l’avoir inculpé de «non-assistance à personne en danger et complicité de tortures».
Après le blocage, le 1er décembre 2023, de l’initiative de l’ancien juge d’instruction de remettre en liberté de M. Eko Eko et M. Amougou Bélinga, des proches de l’homme d’affaires avaient clairement évoqué un rebondissement de l’enquête, du fait des suspicions du juge d’instruction concernant M. Savom. Le bâtonnier Charles Tchoungang, sur RFI, avait évoqué une «nouvelle piste» d’enquête, suggérant par ailleurs que cette dernière créait un petit malaise auprès de certaines hautes personnalités susceptibles d’être mises en cause. Depuis quelques jours, un enregistrement radio est diffusé de façon virale sur la toile. Son contenu donne à penser que M. Savom pouvait avoir de bonnes raisons d’en vouloir personnellement à Martinez Zogo. Dans cet audio qui date de 2021, l’animateur s’en prend sérieusement au maire incarcéré de Bibey dont il dévoile une arnaque supposée.
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