- le président de la collégialité,
- les membres de la collégialité,
- les Avocats,
Mesdames et Messieurs,
Voici mon second procès devant cette juridiction qui tire à sa fin. Il a plu aux juges camerounais que je passe huit (8) ans en prison. Après une première sentence de 12 ans, c’est la seconde qui est en téléchargement comme on dit de plus en plus.
Je rends grâce à Dieu d’avoir permis que je sois vivant en ce moment conclusif.
Monsieur le Président,
Rien de ce que j’ai vécu, vu et entendu ne m’autorise à espérer un jugement conforme à la réalité et la vérité : on a dit et redit, on a démontré, expliqué, justifié que tout ce qu’on m’a imputé depuis toutes ces années est faux, imaginaire, mesquin et même criminellement construit. Je purge déjà une première sentence de 12 ans pour un détournement de 3,5 milliards de francs, une somme inventée, et je suis encore devant le Tribunal pour une autre somme cinq fois plus importante, pareillement inventée, comme ces 10 milliards de francs qu’avec mes coaccusés j’aurais distraits de la Trésorerie Générale, qui ne s’en serait jamais rendu compte jusqu’à ce qu’un soi-disant expert-comptable commis pour charger des innocents, découvre le crime. Celui auquel l’Avocat Général disait vouer une admiration sans bornes.
C’est le «rouleau compresseur» tel que défini par les commanditaires de la mise en accusation forcenée qui est en marche.
Les donneurs d’ordre ordonnent la mise à mort sociale. Les autres acteurs exécutent sans broncher, quoi que dise la Constitution sur l’indépendance de la Justice, et sur la loi, quoi que les juges expérimentés, pères et mères d’enfants, aient prêté le serment de juger conformément à la loi et à leur conscience.
Logiquement, je n’attends donc rien qui me soit favorable dans cette seconde procédure. Ce que j’ai vu et entendu pendant 08 ans ne me permet par de rêver.
Je voudrais cependant reconnaître que la prison a fait de moi un homme plutôt apaisé, qui, loin d’en vouloir à ceux qui me martyrisent, qu’ils soient donneurs d’ordres ou exécutants, les plaint plutôt : vont-ils s’en sortir lorsque la vérité avec grand V, comme Vamoulké, émergera enfin, psychologiquement, socialement et pénalement ? Je le leur souhaite.
Mais au-delà des acteurs de ce qu’il faut bien appeler l’injustice, je plains le pays, mon pays, notre pays, que beaucoup voient, impuissants, se déliter, faute de justice, faute de ce sérum vital qui fait se tenir debout les nations désireuses de progresser. J’aurais tant voulu comprendre pourquoi tant de gens, comme moi, sont traqués sans raison apparente, pourquoi tant de vies et de carrières sont ainsi brisées, compromises. J’aurais tant voulu comprendre pourquoi dans ce pays, on enterre quasi systématiquement la vérité avec grand V pour lui substituer une vérité fabriquée, qui a toujours besoin de béquilles pour tenir debout.
Sans doute, le saurons-nous un jour.