Par Louis Nga Abena – louisngaabena@yahoo.fr
L’Institut Siantou supérieur va démarrer la prochaine année académique avec une casserole en moins. Il y a dix ans, exactement le 6 juillet 2011, Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup), avait infligé au promoteur de cet institut universitaire, Lucien Wantou Siantou, un blâme pour une fraude durant l’examen national du Brevet de Technicien supérieur (BTS) organisé cette année-là. Le Tribunal administratif de Yaoundé a effacé la sanction le 25 août dernier.
Cette bataille judiciaire tire sa source d’une correspondance datée du 14 février 2011 et signée par le ministre de l’Enseignement supérieur désignant deux enseignants de l’Institut Siantou supérieur pour proposer des épreuves en vue de l’examen national du BTS prévu en juillet de la même année. Il s’agit notamment de Frédéric Tchoko, le chef de département de la filière comptabilité et gestion, et Félix Nkiendem, en charge du cycle HND. Ces propositions d’épreuve devaient «être scellées et déposées par le responsable académique du complexe Siantou supérieur à la direction du Développement de l’Enseignement supérieur» le Minesup.
Mais «ces enseignants ont déposé de leur propre chef lesdites épreuves au ministère de l’Enseignement supérieur sans précaution aucune». Plus grave, lors de l’examen du BTS, il était découvert que «parmi ces épreuves, certaines ont été proposées aux étudiants à l’examen de BTS blanc du Complexe Siantou supérieur». L’affaire a fait grand bruit. Les candidats des autres instituts privés criaient au favoritisme. Face à la situation, le Minesup décidait d’annuler les épreuves querellées.
M. Tchoko et M. Nkiendem étaient «suspendus de tout enseignement au niveau supérieur jusqu’à nouvel avis» pour fraude à un examen officiel. Le ministre avait retenu à leur charge plusieurs griefs : «négligences graves, manquements à la déontologie académique, etc.» M. Wantou Siantou a écopé d’un blâme en qualité d’employeur des enseignants incriminés. L’homme d’affaires fait le reproche au ministre de l’avoir sanctionné «sans faute», sans entendre sa version des faits. Il se disait victime d’un excès de pouvoir.
Profs bannis des amphis
S’agissant de «l’absence de faute» alléguée, Me Eric Bindzi, l’avocat de M. Siantou, a expliqué dans ses écritures que les enseignants incriminés «ont agi en leurs risques et périls, sans autorisation du complexe Siantou supérieur». Pour lui, les «actes isolés» posés par ces deux enseignants s’analysent à un abus de fonction de leur part et ne sauraient engager la responsabilité de leur employeur. Répondant à cet argumentaire, le représentant du Minesup dans la procédure a estimé que la «négligence frauduleuse» déplorée ne saurait être imputée aux seuls enseignants, l’Institut Siantou Supérieur n’a pas pris toutes les dispositions idoines pour la bonne exécution des consignes du ministre contenues dans sa correspondance désignant les profs bannis.
Concernant la violation du principe du contradictoire, Me Bindzi a indiqué que M. Siantou a été sanctionné sans avoir donné sa version des faits. Et c’est à travers un communiqué de presse que M. Siantou a pris connaissance de la sanction attaquée.
Sur ces griefs le représentant de l’Etat indique que lorsque l’affaire déclenche, une équipe de la cellule de lutte contre la corruption du Minesup s’est rendue au Complexe Siantou le 21 juillet 2011 pour auditionner les mis en cause. «M. Wantou Siantou n’a pas été auditionné, reconnaît-il, c’est tout simplement de son propre fait lié à son voyage à l’étranger et non du fait de l’administration». «L’administration face à son absence s’est contentée de constater simplement l’impossibilité de le notifier et de l’auditionner sur les circonstance de cette fraude». Il précise que la décision a été prise pour empêcher les troubles à l’ordre public «du fait des conséquences des négligences frauduleuses ayant induit le traitement inégalitaire des étudiants soumis à un même examen». Pour lui, la décision attaquée «vise plutôt à crédibiliser la qualité» des diplômes.
En présentant son réquisitoire dans la procédure, le ministère public a pris fait et cause pour le plaignant. Selon lui, l’excès de pouvoir évoqué saute aux yeux. «Il est clair que l’acte attaqué n’indique pas la faute commise par M. Siantou dans la commission des fautes reprochées aux enseignants». Avant de préciser que même si on peut invoquer le principe de «civilement responsable», l’administration a bafoué les droits de la défense en omettant le contradictoire. Finalement, le tribunal a donné gain de cause à M. Wantou Siantou en annulant la décision attaquée «en ce qui le concerne».