Achille et Micheline forment un couple apparemment fusionnel. Après 23 ans de relation et 4 années de séparation, les époux semblent encore complices et amoureux. Ils étaient assis sur le même banc dans la salle d’audience du Tribunal de premier degré de Yaoundé et ils n’ont pas arrêté de partager un sourire quand l’occasion se présentait. Le bonheur se lisait sur leurs visages à distance. Pourtant, nos deux tourtereaux sont en instance de divorce. C’est Achille qui est l’auteur de ce procès. Il accuse Micheline d’être à l’origine de leur échec conjugal. La dame, qui n’a pas eu besoin d’être convoquée à cette audience comme le prévoit la loi, accuse sa belle-famille d’avoir détruit son foyer. Les amoureux ont, chacun à son tour, exposé au tribunal les raisons pour lesquelles ils ne peuvent plus vivre ensemble.
«J’ai aimé cette femme comme je n’ai jamais aimé personne. Quand nous nous sommes rencontrés, je croyais que je ne pouvais pas vivre sans elle. Elle était ma raison de vivre, le soleil qui illuminait ma vie.» C’est par cette déclaration qu’Achille a entamé son témoignage devant le tribunal de premier degré le 20 octobre dernier. Il déclare avoir rencontré Micheline pour la première fois en 1998. A cette époque, Achille était papa de trois enfants issus de trois précédentes relations. La dame quant à elle était aussi la mère de deux enfants, dont le premier a été reconnu par Achille après leur mariage en décembre 2009. Le couple n’a pas eu d’enfant mais enregistre trois fausses couches et un mort-né. C’est ce manque d’enfant qui, selon Achille, est à l’origine de leurs déboires conjugaux.
Le stress
En réalité, cet homme de soixante ans environ a relaté que Micheline n’a jamais voulu habiter sous le même toit avec ses enfants. Elle exigeait par contre que les siens vivent avec eux. Ce qui a créé une dissonance au sein de sa famille dans laquelle il est devenu la risée de tous. «Ma femme n’a jamais aimé mes enfants, pourtant ses deux garçons ont grandi chez moi. C’est moi qui payais leur scolarité. Tout l’argent que j’ai travaillé dans ma jeunesse, je me suis occupé de sa famille. Certains de ses frères sont aujourd’hui en Europe grâce à moi.»
Soucieux d’avoir une progéniture avec sa bien-aimée, Achille déclare qu’il s’est approché de sa belle-famille pour qu’elle l’aide à trouver une solution. Grande a été sa surprise, lorsque la tante de Micheline lui a confié que c’est plutôt sa famille qui les empêche d’avoir des enfants. Sa belle-tante lui aurait même conseillé de se séparer de son épouse pour sa sécurité. L’homme dit avoir convoqué également une assise avec sa famille dans leur domicile conjugal pour résoudre ce problème. Mais, contre toute attente, alors que tout le monde était déjà assis, Micheline est sortie et n’est revenue que le lendemain. Ce geste de mépris, Achille ne l’a jamais oublié. Le lendemain, dit-il, il a obtenu leur séparation de corps. «C’est depuis 2017 que nous ne vivons plus ensemble. Elle a tout porté dans la maison. À cause de cette séparation, j’ai perdu un grand poste de responsabilité à l’église. Je veux divorcer pour recommencer ma vie. Ma femme n’a plus besoin de moi. Elle a plusieurs boutiques. Elle vit bien pendant que moi je suis stressé.»
Citadine
Plutôt agitée tout au long du témoignage de son époux, Micheline n’a pas hésité à accuser sa belle-famille d’avoir détruit son mariage. «Ma belle-famille ne m’a jamais acceptée. Tout au long de notre relation, sa famille lui a donné deux femmes. Sa sœur a monté les coups pour qu’on me bastonne dans mon domicile. J’étais trop citadine à leur goût, et je ne pouvais pas faire les champs», a-t-elle confié. «Pourquoi une telle haine envers vous?», a interrogé le tribunal. La dame a déclaré que son calvaire a commencé en 2001 alors qu’ils habitaient encore chez la grand-mère d’Achille. Cette dernière, qui était habituée à gérer le salaire de son petit-fils, n’a pas supporté qu’une autre femme en prenne le contrôle. Pour ce qui est des enfants de son époux, Micheline a déclaré que lorsqu’Achille a successivement rencontré les deux femmes présentées par sa famille, elle s’est éloignée de lui. A son retour en 2005, elle dit s’être occupée des enfants qu’il a eus avec ces femmes-là. «Je l’ai toujours encouragé à encadrer ses enfants. La preuve, il a rejeté son premier fils, estimant que la mère de cette enfant avait été violée. C’est 15 ans plus tard, avec mon aide, qu’il a reconnu sa fille.»
S’agissant des problèmes de fertilité du couple, Micheline a déclaré au tribunal que c’est son époux qui a les difficultés à féconder. Les examens médicaux ont révélé que ce dernier est atteint de l’aspermie, c’est-à dire qu’il a une insuffisance de sperme. «Mon époux a consommé les fortifiants pour satisfaire ses multiples conquêtes, raison pour laquelle il ne peut plus procréer. Il est également atteint des MST et autres. Après plusieurs traitements, rien n’a changé», a-t-elle déclaré. Micheline raconte enfin que c’est après la discussion qu’Achille a eue avec sa tante que tout a basculé dans son couple. Ce dernier lui a remis la somme de trois mille francs et lui a demandé de retourner dans sa famille. «J’ai refusé de partir. J’ai passé six mois sur le canapé. Il me chassait tous les jours. Il a même eu à me bastonner pour que je quitte sa maison. J’avais toujours espoir qu’on va se réconcilier», a-t-elle conclu son propos. L’affaire a été soumise à l’appréciation du ministère public.