Au début du mois d’avril 2021, la toile s’était enflammée suite à la divulgation d’une correspondance du secrétaire général de la présidence de la République adressée au ministre de la Justice. Par ce document daté du 6 avril et rapidement devenu viral, M. Ferdinand Ngoh Ngoh disait faire tenir à M. Laurent Esso une photocopie du rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême relatif à «l’audit des fonds alloués à la lutte contre le coronavirus». Le Garde des Sceaux était alors instruit au nom du chef de l’Etat d’ouvrir «une enquête judiciaire contre les auteurs, coauteurs, complices des cas de malversations financières y relevés». Certains citoyens se mettaient à languir devant l’idée de voir embastillés certains gestionnaires des fonds dits Covid.
Ces citoyens doivent rirent jaune depuis quelques jours, puisque le fac simili d’une correspondance cette fois adressée au secrétaire général de la présidence de la République par le ministre de la Justice montre que la procédure judiciaire attendue n’est pas encore engagée. Le 22 avril 2021, en effet, le Garde des Sceaux relance M. Ngoh Ngoh en lui demandant de lui «faire parvenir les pièces d’investigation de la haute juridiction» non jointes à sa correspondance du 6 avril 2021. Sans être plus explicite, le ministre de la Justice semble exiger un complément d’informations avant de mettre en mouvement la machine judiciaire contre les suspects.
Dans le milieu de la justice, cette réponse du Garde des Sceaux est assimilée par certains à un acte dilatoire, ce dernier sachant exactement où et comment il peut se procurer lesdites pièces. De même, d’autres estiment que la correspondance initiale du Sgpr pose déjà problème. «Aux termes de la loi de 2003 portant organisation et fonctionnement de la Chambre des comptes de Cour suprême, c’est le parquet général près la Cour Suprême qui a compétence pour saisir le ministre de la Justice lorsque la chambre des comptes découvre au cours de ses investigations « des faits susceptibles » de constituer une infraction à la loi pénale…», explique une voie autorisée. L’intrusion de la présidence de la République dans le processus, est jugée théâtrale.
«Le ministre de la Justice peut obtenir directement les pièces auprès du parquet général près la Cour suprême», rajoute notre interlocuteur. Il reste maintenant à savoir ce qui motive réellement les personnalités concernées dans leurs échanges épistolaires. Sans doute que l’avenir nous le dira.