Par Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com
M. Mbiaga Jean Pierre a voulu profiter de la fin de son interrogatoire pour dire au tribunal pourquoi il considère que M. Bela Belinga Isaac Joël, l’expert-comptable dont le rapport d’audit est à l’origine de ses déboires judiciaires, s’était rendu coupable d’un détournement des fonds publics au détriment de la Cameroon Radio Television (Crtv). C’était le but de la dernière question que lui a posée son avocat, le vendredi 5 août 2022, avant sa sortie du box des témoins : «Vous avez déclaré devant le TCS que M. Bela Belinga, après avoir déposé son rapport le 25 décembre 2016, a obtenu un gré à gré de 82,9 millions de francs toutes taxes comprises à la Crtv pour vous remplacer. Pouvez-vous donner les contours de ce marché entaché d’irrégularités et en quoi il constitue un vrai détournement des deniers publics ?» Cette question n’a pas eu de réponse, le tribunal ayant estimé qu’elle rallongeait inutilement les débats à la suite d’une objection de l’avocat de la Crtv.
Ce 5 août 2022, M. Mbiaga Jean-Pierre était venu pour parachever son audition en dissipant autant que possible le doute entretenu sur ses précédentes déclarations lors de son contre-interrogatoire, notamment lors du face à face avec l’avocat de la Crtv. En ouverture de cette phase dite de la reexamination de son témoignage, l’expert-consultant en comptabilité et en fiscalité a voulu faire admettre trois documents comme pièces à conviction. C’était deux photocopies certifiées conformes des déclarations fiscales et statistiques (DSF) des exercices 2007 et 2009 et une correspondance du ministre des marchés publics datée du 11 janvier 2017 portant justement en objet «demande d’autorisation de gré à gré…» (lire encadré). Finalement, pour avoir été certifiés par un officier de police, ces trois documents n’ont pas été admis comme pièces à conviction parce que contestés aussi bien par les avocats de l’Etat (Minfi et Crtv) que par le représentant du parquet. Le tribunal a quand même admis l’original de la DSF de 2007.
Exercice illégal…
La première question posée au témoin était relative à l’objet de sa mission à la Crtv et l’objet de la mission du cabinet Pierre Wansy et associés au sein du même organisme. En fait, cette question a été suscitée par l’avocat de la Crtv pour qui M. Mbiaga est l’initiateur de l’apurement des comptes-tiers opéré dans le bilan de la Crtv en 2010, ce qui aurait entraîné, selon l’accusation, un détournement d’un peu plus de 2,143 milliards de francs. En plus, l’avocat de la Crtv insinue que M. Mbiaga s’est rendu coupable d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable au Cameroun, pour avoir bénéficié de son contrat à la Crtv sous l’ère Amadou Vamoulké. C’est du moins ce qui ressort des questions posées à cet accusé lors de la dernière audience.
«Ma mission avait pour objectif de permettre à la Crtv de produire sa DSF à partir de l’exercice 2013.Et ce document est destiné à l’administration fiscale. Son élaboration commence par la vérification des comptes ayant un lien direct ou indirect avec la fiscalité. C’est dans ce document d’environ 50 pages qu’on détermine le résultat de l’exercice et les différents impôts que l’entreprise doit reverser à l’administration fiscale en tant que contribuable», a répondu le témoin, avant de faire certaines précisions supplémentaires. Depuis 2010, a-t-il encore rappelé, ce document ne nécessitait plus une certification par un expert-comptable agréé. Mais, avant cette année, a-t-il ajouté, il faisait certifier toutes les DSF produites par son entreprise par son partenaire d’affaires, M. Jean-Marie Bela, comptable agréé Cemac N°168 et Onecca N°060. C’est pour le démontrer qu’il a fait tenir au tribunal l’original d’une ancienne DSF certifiée par ce comptable agréé devenu entre-temps expert-comptable.
Revenant ensuite à la mission du cabinet Pierre Wansy et associés, M. Mbiaga a déclaré «qu’elle avait pour objectif de permettre à la Crtv, à travers un audit, de procéder à l’apurement complet des comptes-tiers (clients, fournisseurs, Etat et employés) et d’en déterminer la situation réelle au 21 décembre 2012», selon le contenu même du rapport en question, dans sa page 6. «Le cabinet Wansy a commencé sa mission à la fin de l’exercice 2012, c’est-à-dire au courant de l’exercice 2013 et j’ai commencé ma mission à la fin de l’exercice 2013, c’est-à-dire au courant de l’exercice 2014. Donc un an après le début de la mission du cabinet Wansy», a ajouté le témoin. Il a ensuite précisé avoir pris la peine de vérifier, lors de sa mission pour la DSF de 2015, que les comptables de la Crtv avaient effectivement mis en application les recommandations de l’audit Wansy, «puisque cela avait un lien avec la fiscalité».
Le témoin a lu à l’attention du tribunal ce qu’il avait noté, à propos de la prise en compte des recommandations de l’audit Wansy dans son rapport daté du 29 mars 2016 : «En se référant au rapport d’audit des comptes-tiers, il y a eu reprise des provisions pour les fournisseurs-débiteurs d’un montant de 2.089.645.894 francs, ce qui correspond bien à la différence entre 2.107.176.990 francs et les 17.528.099 francs de créances réelles sur le fournisseur Keving Diffusion». Il a de ce fait conclu que «le référentiel de l’apurement des comptes fournisseurs-débiteurs est bel et bien le rapport d’audit du cabinet Wansy et le fondement juridique de cet apurement est bel et bien le droit comptable Ohada, conformément aux dispositions de l’article 54 de la loi de 1999 sur les entreprises et les établissements publics».
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