M. Biloa Effa n’occupera peut-être plus jamais le fauteuil de chef traditionnel de 3e degré de Messa Nkoaba’a dans l’arrondissement de Yaoundé 2e. Destitué de cette fonction à la suite d’un arrêté signé par Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration Territoriale, le 6 décembre 2019, il a quatre mois plus tard porté l’affaire devant le Tribunal administratif du Centre pour solliciter l’annulation de la décision ministérielle. Pour justifier sa décision, le ministre de l’Administration Territoriale imputait au plaignant les faits qualifiés d’«instigation et incitation à l’insurrection, insubordination caractérisée à l’endroit des autorités administratives, participation active à une manifestation publique interdite». Les faits incriminés se rapportent aux activités du MRC, le Mouvement pour la Renaissance, le parti de Maurice Kamto.
Le 21 septembre dernier, le tribunal s’est déclaré incompétent pour examiner la demande du chef destitué, motif pris de ce que les litiges autour de la désignation des chefs traditionnels échappent à la compétence des juges administratifs comme judiciaires. De fait, la désignation des chefs traditionnels est assimilée à un acte de gouvernement dont il ne revient pas aux juridictions d’en examiner la régularité ou non.
Les récriminations retenues contre M. Biloa Effa par M. Atangana Nji s’apparentent à un règlement de compte. Le chef déchu paie en effet les frais de son appartenance active au MRC. En février 2019, M. Biloa Effa a été incarcéré en compagnie de M. Kamto et plusieurs autres militants et sympathisants du MRC à la prison principale de Yaoundé suite à l’organisation des «marches blanches» par le MRC dans le but de dénoncer bruyamment la réélection de Paul Biya comme président de la République en octobre 2018.
Les personnes écrouées à l’occasion des «marches blanches» avaient recouvré la liberté à l’issue du Grand Dialogue National convoqué par le chef de l’Etat pour chercher les pistes de sortie à la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Lors d’une interview donnée à la chaine de télévision Equinoxe TV trois jours après sa destitution, M. Biloa Effa avait dénigré la décision de son limogeage en ces termes : «Chez nous, un chef est un chef. Les décrets ne nous servent à rien. C´est par dévolution héréditaire que je suis devenu chef. À ce titre, je suis le dépositaire de nos traditions, de nos us et de nos coutumes. Donc cette décision du ministre Atanga Nji me laisse à 37 degrés…Je fais plus confiance à mon peuple qu´aux bouts de papiers ».