Amis d’enfance, ils sont aujourd’hui à couteaux tirés. Le désaccord est né par la mise à l’écart de René Chedjoué par Me Dieudonné Takam et Marie Kenfack, son épouse, qu’il a présenté devant la Cour d’appel du Centre, le 20 janvier 2021, comme des mauvais partenaires d’affaires. M. Chedjoué les poursuit d’ailleurs pour tromperie contre associé.
La collaboration entre les deux amis a finalement débouché sur une procédure judiciaire devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé-Centre administratif en 2015 où M. Chedjoué sera débouté. Il va ainsi se tourner vers la Cour d’Appel du Centre. Dans la version des faits de l’accusé, sa femme et lui sont les seuls propriétaires et cerveaux du projet d’ouverture d’un snack bar pour lequel ils ont loué un emplacement auprès d’un autochtone de la ville de Yaoundé. Son ami, René Chedjoué serait premièrement intervenu pour être le témoin du bail conclu entre le propriétaire terrien et sa femme. Etant vendeur ambulant à cette période, il lui avait permis ensuite de s’installer devant le chantier de construction du local en attendant la fin des travaux. Vu la confiance qu’il accordait à son ami, il lui demandera plus tard de récupérer des factures laissées par des prestataires de services lorsque son épouse et lui étaient indisponibles. Selon le prévenu, c’est à ce moment que son détracteur a commencé à imaginer son histoire.
Mauvaise gestion
L’avocat explique également qu’à l’ouverture du lieu de loisir, le plaignant était le premier à lui proposer ses services en tant que gérant de la structure. Les deux hommes conviennent alors d’une période d’essai de six mois pour évaluer la gestion du nouvel employé. Mais avant la fin de l’échéance, Marie Kenfack, sa femme décèle des trous dans les comptes. Les dépenses effectuées par M. Chedjoué étaient parfois fantaisistes. Les pertes sont estimées à plus de 3 millions de francs. C’est pour cette raison qu’au bout de 4 mois, sa femme et lui ont décidé de lui adjoindre un contrôleur. La mission de contrôle aurait duré moins d’une semaine car l’employé refusait de se plier aux nouvelles règles.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase, selon Me Takam, a été une rumeur propagée par M. Chedjoué qui se présentait comme le propriétaire du bar. «Un employé qui se proclame déjà propriétaire de la chose de son patron y a-t-il une faute plus grave ?» s’est exclamé Me Takam. Une attitude désobligeante pour Marie Kenfack qui lui a servi une mise à pied. M. Chedjoué n’aurait pas tenu compte des avertissements de sa hiérarchie et continuer sa mauvaise gestion du bar. Excédée, sa patronne l’aurait alors licencié. Elle recevra quelques jours plus tard une convocation de la police pour une affaire de tromperie envers associé.
Pour affaiblir les arguments du plaignant, Me Takam va révéler à la cour que M. Chedjoué, après avoir porté plainte pour réclamer d’être considéré comme un associé devant le juge correctionnel, va aussi traduire son épouse devant le juge social pour licenciement abusif. L’avocat soutien de plus que son ancien ami ne pouvait pas contribuer à son projet puisqu’il était en chômage et donc incapable de s’occuper convenablement de sa famille. Sa femme viendra ajouter de l’eau à son moulin en informant la cour que le plaignant avait déjà purgé une condamnation pour escroquerie.
Accords sans traces
Une histoire différente du point de vue de René Chedjoué. A travers le raisonnement construit autour des questions posées au couple, il a dit être l’élaborateur du projet, sans l’aide de Me Takam et de son épouse. La parcelle occupée lui aurait été trouvée par une autre connaissance. M. Chedjoué produit d’ailleurs un procès- verbal de l’enquête préliminaire où le nommé Henri Yonzo confirme lui avoir facilité l’acquisition du terrain à louer avec Me Takam. C’est au moment de matérialiser le projet qu’il aurait eu besoin de l’appui de l’avocat. M Chedjou raconte qu’il était celui qui coordonnait les travaux et déboursait son argent pour régler des factures. Des documents qu’il a versé au dossier de procédure pour démontrer son implication dans l’entreprise.
Le plaignant évoque ensuite d’importantes sommes d’argent remises à son ancien ami pour financer les travaux. Ila joute comme autre preuves une photocopie du contrat de bail, avec une inscription manuscrite qui précise qu’il est le promoteur du projet. Il apparait également sur les photos prises pour l’expertise du bâtiment et cela n’est pas anodin selon lui, bien que le prévenu conteste ces prises de vue. Pour les autres accords passés avec ses supposés associés, le plaignant n’a pas pu présenter des preuves.
Pour le ministère public, les accusations de René Chedjoué ne peuvent prospérer puisque la structure dont il se réclame être actionnaire n’est pas une société et de ce fait ne peut lui donner droit à la cote part demandée. Pour le magistrat, il n’y a donc pas d’infraction. L’affaire a été mise en délibéré pour le 17 février prochain.