Par Odette Melingui – odettemelingui2@gmail.com
Mohamadou Alhadji, chef de cabinet du gouverneur de la région de l’Est à l’époque des faits et récemment mutée à la division des affaires juridiques au cabinet du gouverneur de la région du Sud, connaitra enfin le sort que lui réserve le juge du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi le 20 septembre 2024. C’est la principale information qui ressort de l’audience du 16 août dernier. Initialement accusé de meurtre, il répond désormais des faits d’homicide involontaire. C’est la nouvelle qualification juridique des faits à l’origine du procès que lui a notifié le juge chargé du dossier. M. Harouna Mohamed Salah Edire, son frères ainé et coaccusé dans cette procédure, répond quant à lui de l’accusation de suppression de preuves.
À l’origine de leurs déboires judicaires, une plainte des ayants-droit de Moussa Hamadou, un «motoman» résident à Yaoundé, qui avait trouvé la mort par fusillade dans un studio meublé loué au quartier Bastos par M. Mohamadou Alhadji. Les deux mis en cause, en détention provisoire depuis un an, ont reconnu les faits mis à leur charge. Il ressort des débats que le 13 juin 2023, aux environs de midi, en effectuant le ménage dans un studio meublé dans la résidence Mongo-Mbock situé dernière usine bastos, Virginie Mango, technicienne de surface en service dans cette structure, a constaté la présence des taches de sang près du meuble télé. Elle a signalé ce fait à M. Mbock, concierge et gestionnaire des lieux, qui a essayé à plusieurs reprises de joindre M. Mohamadou Alhadji, l’occupant dudit studio depuis le vendredi 9 juin 2023, mais sans succès. Une heure plus tard, c’est plus tôt M. Harouna Mohamed Salah Edire, frère aîné de M. Mohamadou Alhadji, qui se présentera à la résidence et M. Mbock va interroger sur la présence des traces de sang. Faute d’explications convaincantes, le concierge a immédiatement alerté les éléments du commissariat de sécurité n°10 de la ville de Yaoundé, qui ont ouvert une enquête.
Le coup de feu fatal
Au cours de son témoignage devant la barre, M. Mohamadou Alhadji a déclaré qu’en sa qualité de chef de cabinet du gouverneur de la région de l’Est récemment muté dans la région du Sud, il avait été doté d’un pistolet automatique ainsi que de deux boites contenants 100 minutions. En rejoignant son nouveau lieu d’affectation, il avait fait escale à Yaoundé le vendredi 9 juin 2023. C’est ainsi qu’il a pris en location un studio meublé dans la résidence Mongo-Mbock. Pendant son court séjour, Moussa Hamadou, motoman et ami de la famille, l’y a retrouvé. Au moment de prendre son bain, l’accusé dit avoir déposé son arme au salon et pendant qu’il échangeait avec son interlocuteur qui était en face de lui, il a entrepris d’approvisionner son arme. Suite à une mauvaise manipulation, le coup de feu est parti et Moussa Hamadou est décédé quelques minutes après.
Malgré la panique, le mis en cause a ajouté qu’il a essayé de le secourir son ami, en vain. L’accusé dit avoir crié à l’aide, mais, ni les voisins de la résidence, encore moins le concierge, ne sont venus à son secours. C’est ainsi qu’il a pris fuite après avoir successivement appelé Harouna Mohamed Salah Edire et Bouba.
- Harouna Mohamed Salah Edire, qui, pour sa part, a toujours reconnu les faits qui lui sont reprochés, a réitéré ses déclarations faites au cours des enquêtes. Il a déclaré avoir reçu un coup de fil de son frère cadet, M. Mohamadou Alhadji, l’invitant à le retrouver d’urgence au lieudit Tradex Bastos. Y étant, il a trouvé ce dernier en compagnie du nommé Boubou. C’est ainsi qu’il a été informé qu’un drame s’était produit. Il a relaté en outre qu’il s’est rendu sur le lieu du crime en compagnie de Bouba, ils ont emballé la dépouille et transporté le corps à la morgue de la mosquée de Tsinga. Il est ensuite revenu sur la scène du crime et a procédé au nettoyage des traces de sang pour ne laisser aucune preuve. Ce sont ces faits qui avaient été initialement qualifiés de meurtre à l’encontre de M. Mohamadou Alhadji et de suppression de preuves pour Harouna Mohamed Salah Edire.
Délinquants primaires
Au cours de ses réquisitions finales le 16 août dernier, la représentante du ministère public a demandé au tribunal de requalifier l’infraction de meurtre reproché à M. Mohamadou Alhadji en celle d’homicide involontaire et de le déclarer coupable. Selon le parquet, il est constant que le mis en cause a donné la mort à Moussa Hamadou par fusillade à l’aide d’une arme lui appartenant. Mais, il n’est pas établi avec conviction que ce dernier avait l’intention d’ôter la vie à la victime, aucun témoin n’ayant vécu les faits. La représentante du ministère public a également suggéré au tribunal d’ordonner le retrait de l’autorisation de port d’arme à M. Mohamadou Alhadji, car il présente un danger pour lui-même et pour les autres.
L’avocat des deux mis en cause a quant à lui plaidé les circonstances atténuantes de ses clients en raison de leur qualité de délinquant primaire et leur bonne tenue devant la barre. Il a ensuite demandé au tribunal de rejeter la demande du parquet, qui exige le retrait de l’autorisation du port d’arme à M. Mohamadou Alhadji. Selon l’homme en robe noire, ce dernier est un administrateur civil sorti de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (Enam), un fonctionnaire exemplaire ayant un parcours irréprochable qui a toujours servi son pays. Ainsi, en sa qualité de chef de cabinet, il a l’obligation de porter une arme pour la sécurité de son patron. Pour finir, l’avocat a souhaité que ses clients soient condamnés à une peine de principe correspondant au temps qu’ils ont déjà passé en prison et que le tribunal leur donne une chance de se réintégrer dans la société. Apres avoir requalifié les faits de meurtre reproché à M. Mohamadou Alhadji en ceux d’homicide involontaire, le juge du TGI a décidé de programmer son verdict pour le 20 septembre 2024.