Ma\u00eetre Angoni Laurent n\u2019a pas pu s\u2019emp\u00eacher d\u2019\u00e9craser une larme devant les juges de la Cour supr\u00eame le 20 avril 2021. Conseil du Pr Gervais Mendo Ze dans la proc\u00e9dure qui oppose l\u2019ancien Directeur g\u00e9n\u00e9ral (DG) de la Cameroon Radio Television (Crtv) \u00e0 cet organisme et \u00e0 l\u2019Etat du Cameroun pour des faits pr\u00e9sum\u00e9s de d\u00e9tournement des fonds publics, l\u2019avocat a \u00e9t\u00e9 l\u2019intervenant le plus actif au cours de la br\u00e8ve audience quasiment sp\u00e9ciale de la section sp\u00e9cialis\u00e9e organis\u00e9e la semaine derni\u00e8re. Parmi la douzaine des hommes en noir pr\u00e9sents, Ma\u00eetre Angoni est d\u2019ailleurs le seul avocat \u00e0 avoir pris la parole lorsque les d\u00e9bats ont \u00e9t\u00e9 ouverts. Il s\u2019est exprim\u00e9 avec \u00e9motion, compte tenu de la circonstance, non pas sur le fond du dossier de son client, mais sur un revirement d\u2019option de d\u00e9fense qu\u2019il a op\u00e9r\u00e9 la veille de l\u2019audience du fait du d\u00e9c\u00e8s de l\u2019ancien DG.<\/p>\n
C\u2019est que la Cour supr\u00eame n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9e par le tumulte des derni\u00e8res semaines de maladie de M. Mendo Ze, lorsqu\u2019une vigoureuse campagne battait son plein dans les r\u00e9seaux sociaux et dans les couloirs de certaines administrations pour la remise en libert\u00e9 de celui qui \u00e9tait encore prisonnier. Quelques semaines avant le d\u00e9c\u00e8s de son client, probablement d\u00e9but mars, Ma\u00eetre Angoni avait adress\u00e9 une correspondance au premier pr\u00e9sident de la Cour supr\u00eame pour annoncer le d\u00e9sistement de l\u2019ancien DG du pourvoi form\u00e9 apr\u00e8s sa condamnation \u00e0 20 ans de prison par le Tribunal criminel sp\u00e9cial (TCS). L\u2019avocat avait \u00e9voqu\u00e9 \u00abdes raisons humanitaires\u00bb<\/em> au soutien de sa d\u00e9marche. Mais, le 19 avril 2021, il a saisi de nouveau M. Daniel Mekob\u00e9 Son\u00e9 afin d\u2019annuler les effets de son pr\u00e9c\u00e9dent courrier. C\u2019est en raison de ce tango inhabituel que le pr\u00e9sident du coll\u00e8ge des juges a donn\u00e9 la parole \u00e0 l\u2019avocat d\u00e8s la fin de l\u2019appel des parties au proc\u00e8s.<\/p>\n Sant\u00e9 d\u00e9liquescente\u2026<\/strong><\/p>\n En prenant la parole, Ma\u00eetre Angoni a jet\u00e9 un pav\u00e9 dans la marre. \u00abJ\u2019ai \u00e9t\u00e9 re\u00e7u \u00e0 deux reprises \u00e0 la Chancellerie (minist\u00e8re de la Justice) pour des \u00e9changes avec le Garde des Sceaux\u00bb<\/em>, a dit l\u2019avocat, pour expliquer comment est n\u00e9e l\u2019id\u00e9e de la lettre de d\u00e9sistement adress\u00e9e \u00e0 la Cour supr\u00eame au nom de M. Mendo Ze. Toute l\u2019assistance a compris que c\u2019est le ministre d\u2019Etat Laurent Esso qui a suscit\u00e9 la d\u00e9marche de l\u2019avocat. Lequel dit avoir \u00e9t\u00e9 favorable \u00e0 la suggestion de la Chancellerie au regard de \u00abl\u2019\u00e9tat de sant\u00e9 d\u00e9liquescent\u00bb<\/em> de son client. \u00abA quoi servirait encore un d\u00e9sistement fond\u00e9 sur des raisons humanitaires d\u00e8s lors que le Pr Mendo Ze est finalement d\u00e9c\u00e9d\u00e9\u00a0?\u00bb<\/em>, s\u2019est interrog\u00e9 Ma\u00eetre Angoni, pour justifier son revirement dat\u00e9 du 19 avril. Quelque peu embarrass\u00e9 par la situation, le pr\u00e9sident du coll\u00e8ge des juges, M. Mounombong Daniel, a demand\u00e9 au repr\u00e9sentant du parquet g\u00e9n\u00e9ral s\u2019il avait des observations \u00e0 la suite du r\u00e9cit de l\u2019avocat.<\/p>\n Mme Essom\u00e9 Siliki, avocat g\u00e9n\u00e9ral, n\u2019est pas all\u00e9e par quatre chemins pour \u00e9voquer l\u2019article 524 du Code de proc\u00e9dure p\u00e9nale pour dire que, pour le parquet g\u00e9n\u00e9ral, le d\u00e9sistement au proc\u00e8s du Pr Mendo Ze est acquis d\u00e8s lors que la correspondance de son avocat a \u00e9t\u00e9 enregistr\u00e9e. Le texte \u00e9voqu\u00e9 par la magistrate stipule que \u00ab(1) le d\u00e9sistement du condamn\u00e9 prend effet \u00e0 compter du jour de la d\u00e9claration du pourvoi. (2) Lorsque le d\u00e9sistement du condamn\u00e9 lui para\u00eet r\u00e9gulier, la Cour supr\u00eame lui en donne acte et le condamne aux d\u00e9pens\u00bb.<\/em> Le repr\u00e9sentant du minist\u00e8re public est all\u00e9 plus loin, pour soutenir sa position\u00a0: \u00abla deuxi\u00e8me correspondance \u00e9voque les ayants-droits du d\u00e9funt, qui ne sont pas partie dans ce proc\u00e8s. M. Mendo Ze est d\u00e9c\u00e9d\u00e9 avant d\u2019avoir renonc\u00e9 \u00e0 son d\u00e9sistement. Il ne peut pas renoncer post-mortem \u00e0 sa demande de d\u00e9sistement\u00bb<\/em>. Cet argument a pouss\u00e9 Ma\u00eetre Angoni \u00e0 solliciter de nouveau la parole.<\/p>\n \u00abLe d\u00e9c\u00e8s du Pr Mendo Ze ne m\u2019a pas d\u00e9constitu\u00e9\u00bb<\/em>, a-t-il r\u00e9pliqu\u00e9, pour dire que c\u2019est le Garde des Sceaux qui est \u00e0 l\u2019origine de la situation. \u00abIl m\u2019a \u00e9t\u00e9 sugg\u00e9r\u00e9 de poser cet acte, mais pour la m\u00e9moire du professeur, il faudrait qu\u2019on retienne qu\u2019il contestait tout ce qui lui \u00e9tait reproch\u00e9\u00bb<\/em>. Apr\u00e8s une relance de la Cour qui demande \u00e0 l\u2019avocat d\u2019\u00eatre le plus clair possible par rapport \u00e0 ses d\u00e9clarations, tout en lui disant qu\u2019il n\u2019est pas \u00aboblig\u00e9 de citer [ses] sources\u00bb<\/em>, l\u2019avocat va d\u2019abord apporter une pr\u00e9cision\u00a0: \u00abLa Cour supr\u00eame ne m\u2019a pas encore donn\u00e9 acte de mon d\u00e9sistement\u00bb<\/em>, question de dire que son renoncement n\u2019est pas tardif. Puis il \u00e9carte l\u2019implication du d\u00e9funt DG de ses d\u00e9marches\u00a0: \u00abJe l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 dit ici deux reprises\u00a0: j\u2019ai \u00e9t\u00e9 re\u00e7u par deux fois \u00e0 la Chancellerie. C\u2019est une d\u00e9cision que j\u2019ai prise sans m\u00eame que mon client soit inform\u00e9\u00bb<\/em>. La Cour n\u2019a pas trouv\u00e9 utile de poursuivre le d\u00e9bat.<\/p>\n Polycarpe Abah Abah<\/strong><\/p>\n Le d\u00e9c\u00e8s de l\u2019ancien DG ayant \u00e9t\u00e9 \u00e9voqu\u00e9e par son avocat, la Cour a demand\u00e9 \u00e0 l\u2019avocat s\u2019il pouvait pr\u00e9senter son acte de d\u00e9c\u00e8s. Ma\u00eetre Angoni a sollicit\u00e9 du temps pour essayer d\u2019obtenir le document de la famille du d\u00e9funt. Et le pr\u00e9sident du coll\u00e8ge des juges a repris la parole pour indiquer \u00e0 l\u2019assistance que l\u2019affaire allait \u00eatre retir\u00e9e du r\u00f4le, c\u2019est-\u00e0-dire que son examen allait \u00eatre ajourn\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 \u00abla plus prochaine audience\u00bb<\/em> de la section sp\u00e9cialis\u00e9e de la Cour supr\u00eame. Rendez-vous a \u00e9t\u00e9 pris pour le 11 mai 2021. La Cour s\u2019est retir\u00e9e, mettant un terme \u00e0 l\u2019audience. Mais les avocats pr\u00e9sents, tout comme les autres recourants, au rang desquels l\u2019ancien ministre Polycarpe Abah Abah, se sont accord\u00e9s quelques minutes de prolongation avant de se quitter. Le montage ayant provoqu\u00e9 l\u2019audience de la section sp\u00e9cialis\u00e9e a fait l\u2019objet de quelques discussions en apart\u00e9, entres autres \u00e9changes.<\/p>\n Kalara<\/em> a donc appris que lorsque la vigoureuse campagne organis\u00e9e dans les r\u00e9seaux sociaux, notamment, en vue de la remise en libert\u00e9 de M. Mendo Ze battait son plein, l\u2019examen du dossier de son affaire n\u2019avait m\u00eame pas encore d\u00e9marr\u00e9 \u00e0 la Cour supr\u00eame. Selon des indiscr\u00e9tions dont la cr\u00e9dibilit\u00e9 n\u2019est pas prouv\u00e9e, c\u2019est le directeur de l\u2019H\u00f4pital central de Yaound\u00e9 qui aurait alert\u00e9 le ministre de la Justice sur l\u2019\u00e9tat de sant\u00e9 plus que pr\u00e9occupant de l\u2019ancien DG, sugg\u00e9rant une \u00e9vacuation sanitaire \u00e0 l\u2019\u00e9tranger comme unique moyen susceptible de lui \u00e9viter le pire. Avant m\u00eame cette campagne, disent les m\u00eames sources, le Pr Mendo Ze avait d\u00e9j\u00e0 introduit une demande de gr\u00e2ce pr\u00e9sidentielle aupr\u00e8s du chef de l\u2019Etat. L\u2019id\u00e9e de donner un caract\u00e8re d\u00e9finitif \u00e0 sa condamnation par le TCS en 2019 va donc na\u00eetre, en vue d\u2019ouvrir la voie \u00e0 la d\u00e9cision de gr\u00e2ce pr\u00e9sidentielle\u2026<\/p>\n Mais le d\u00e9sistement au pourvoi de l\u2019ancien DG \u00e9tait-il n\u00e9cessaire si la d\u00e9cision de lui accorder une gr\u00e2ce \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 acquise\u00a0? Cette question est incontournable d\u00e8s lors que la gr\u00e2ce n\u2019est en rien r\u00e9serv\u00e9e aux condamn\u00e9s qui renoncent \u00e0 un recours judiciaire. Et dans le cas du Pr Mendo Ze, il \u00e9tait entour\u00e9 de plusieurs coaccus\u00e9s dans sa proc\u00e9dure judiciaire, qui ont tous fait pourvoi \u00e0 la Cour supr\u00eame, pour ce qui concerne ceux qui avait \u00e9t\u00e9 d\u00e9clar\u00e9s coupables par le TCS. Le d\u00e9sistement du Pr Mendo Ze seul ne pouvait pas conf\u00e9rer \u00e0 l\u2019arr\u00eat du TCS un caract\u00e8re d\u00e9finitif. La preuve, c\u2019est qu\u2019en d\u00e9pit de la correspondance de Ma\u00eetre Angoni demandant le d\u00e9sistement de son client de son pourvoi, la section sp\u00e9cialis\u00e9e a d\u00fb se r\u00e9unir dans l\u2019urgence dans le but de se prononcer sur l\u2019ensemble du dossier. Pour certains proches du d\u00e9funt DG, l\u2019id\u00e9e du d\u00e9sistement ne visait qu\u2019\u00e0 humilier encore le concern\u00e9. Et pour certains de ses coaccus\u00e9s, les man\u0153uvres de la Chancellerie ne rassurent point.<\/p>\n Bouch\u00e9es doubles\u2026<\/strong><\/p>\n En fait, avec la demande de d\u00e9sistement du pourvoi introduite au cabinet du premier pr\u00e9sident de la Cour supr\u00eame, le 5 mars 2021, la section sp\u00e9cialis\u00e9e va mettre des bouch\u00e9es doubles en vue d\u2019organiser rapidement une audience. Un rapporteur est d\u00e9sign\u00e9. Mais il ne peut travailler au rythme des affaires ordinaires. Les avocats des parties au proc\u00e8s seront invit\u00e9s \u00e0 transmettre au greffe de la Cour, sur supports num\u00e9riques (cl\u00e9s Usb), les diff\u00e9rents m\u00e9moires produits pour la d\u00e9fense de leurs clients respectifs. Cette transmission \u00e9vite \u00e0 l\u2019\u00e9quipe du juge-rapporteur de devoir reprendre la saisie. Le rapport va donc \u00eatre fait dans l\u2019urgence et transmis au parquet g\u00e9n\u00e9ral pr\u00e8s la Cour supr\u00eame pour ses observations. Ces derni\u00e8res seront aussi faites dans l\u2019urgence. Avec le rapport et les observations du minist\u00e8re public, l\u2019audience sera programm\u00e9e pour le 20 avril. Sauf que le Pr Mendo Ze va rendre l\u2019\u00e2me dans l\u2019intervalle, soit le 9 avril 2021, rendant futiles toutes les dispositions urgentes qui ont \u00e9t\u00e9 prises ces derni\u00e8res semaines.<\/p>\n En sortant le dossier du r\u00f4le, le 20 avril 2021, pour attendre l\u2019acte de d\u00e9c\u00e8s de l\u2019ancien DG, le coll\u00e8ge des juges laisse d\u00e9j\u00e0 entrevoir qu\u2019il est bien dispos\u00e9 pour constater l\u2019extinction des poursuites \u00e0 son \u00e9gard. Cela signifierait un effacement de la condamnation \u00e0 20 ans de prison prononc\u00e9e contre M. Mendo Ze en 2019. Il reste \u00e0 savoir ce que la Cour d\u00e9cidera concernant les condamnations p\u00e9cuniaires qui le concernent, soit les dommages et int\u00e9r\u00eats pour 18,3 milliards de francs et des d\u00e9pens (frais de justice) pour au moins 909,8 millions de francs. Dans des proc\u00e9dures concernant d\u2019autres dignitaires d\u00e9c\u00e9d\u00e9s, tel M. Cl\u00e9ment Obouh Fegue, la haute juridiction avait maintenu les condamnations p\u00e9cuniaires\u2026 Mais, qui sait, avec M. Gervais Mendo Ze, la Cour supr\u00eame peut toujours se plier aux volont\u00e9s des donneurs d\u2019ordre. Comme elle l\u2019a d\u00e9j\u00e0 fait en organisant une audience sp\u00e9ciale le 20 avril dernier.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Ma\u00eetre Angoni Laurent n\u2019a pas pu s\u2019emp\u00eacher d\u2019\u00e9craser une larme devant les juges de la Cour supr\u00eame le 20 avril 2021. 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