{"id":5366,"date":"2024-04-02T08:25:16","date_gmt":"2024-04-02T07:25:16","guid":{"rendered":"https:\/\/kalarahebdo.net\/?p=5366"},"modified":"2024-04-04T07:16:27","modified_gmt":"2024-04-04T06:16:27","slug":"premieres-confrontations-publiques-entre-avocats-dans-laffaire-martinez-zogo","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/kalarahebdo.net\/premieres-confrontations-publiques-entre-avocats-dans-laffaire-martinez-zogo\/","title":{"rendered":"Premi\u00e8res confrontations publiques entre avocats dans l\u2019affaire Martinez Zogo"},"content":{"rendered":"
Par Christophe Bobiokono \u2013 cbobio@gmail.com<\/strong><\/p>\n C\u2019est peut-\u00eatre le 15 avril prochain que les 17 accus\u00e9s de l\u2019affaire Martinez Zogo auront la possibilit\u00e9 de r\u00e9pondre \u00e0 la question rituelle des juges charg\u00e9 de l\u2019examen de leur dossier, pour dire s\u2019ils plaident coupable ou non coupable des faits qui leurs sont reproch\u00e9s au sujet de la mort atroce de l\u2019homme des m\u00e9dias. Ce sera donc, le cas \u00e9chant, le d\u00e9but proprement dit des d\u00e9bats dans le proc\u00e8s qui les concerne. En effet, bien que la premi\u00e8re audience de leur affaire se soit tenue le 25 mars 2024 pendant 3 longues heures dans la magnifique salle du Tribunal militaire de Yaound\u00e9 (TMY), qui a fait sa toilette des grands jours \u00e0 l\u2019occasion, aucun des mis en cause n\u2019a eu v\u00e9ritablement l\u2019occasion de s\u2019exprimer. Presque tous se sont content\u00e9s de r\u00e9pondre simplement \u00abpr\u00e9sent\u00bb \u00e0 l\u2019appel de leur nom par le pr\u00e9sident du tribunal, except\u00e9 le sergent Godje Oumarou, orphelin de son avocat absent, qui a pu indiquer en quelques mots que ce dernier annoncera lui-m\u00eame sa constitution le moment venu.<\/p>\n En fait, le commissaire divisionnaire L\u00e9opold Maxime Eko Eko, l\u2019homme d\u2019affaires Jean Pierre Amougou B\u00e9linga et les 15 autres, qui br\u00fblent peut-\u00eatre d\u2019envie de d\u00e9fendre rapidement leur cause, ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9duits au r\u00f4le d\u2019observateurs de leurs avocats respectifs lors de leur premi\u00e8re comparution dans la phase de jugement public de leur affaire. Et pour cause\u00a0: \u00e0 peine l\u2019appel des parties achev\u00e9 tout comme l\u2019enregistrement de leurs conseils, le coll\u00e8ge des juges s\u2019est trouv\u00e9 oblig\u00e9 d\u2019\u00e9couter les observations et dol\u00e9ances des avocats au sujet notamment de l\u2019organisation pratique du proc\u00e8s. Le nombre relativement \u00e9lev\u00e9 des mis en cause, 17, et le fait que les ayants-droit de Martinez Zogo et l\u2019Etat du Cameroun, enregistr\u00e9s au rang des parties-civiles, soient associ\u00e9s pour la premi\u00e8re fois au dossier, n\u2019ont pas \u00e9t\u00e9 \u00e9trangers aux nombreuses prises de parole qu\u2019on a observ\u00e9es, du fait aussi des 35 avocats enregistr\u00e9s dont 8 pour l\u2019ancien patron de la Dgre\u2026<\/p>\n Parties-civiles contest\u00e9es<\/strong><\/p>\n De longues heures avant 10h48, au moment o\u00f9 l\u2019audience a effectivement d\u00e9marr\u00e9 avec l\u2019entr\u00e9e en salle du colonel-magistrat Misse Njone Jacques, pr\u00e9sident du TMY, assist\u00e9 de M. Fentchou Tabopda Gabriel, juge au TPI de Yaound\u00e9 \u2013 Ekounou, et de Mme Happi Tiani Solange Sandrine \u00e9pouse Ngouongue, en service aux tribunaux de grande et petite instances de Mfou, tous des juges attitr\u00e9s de la juridiction, les observateurs avaient d\u00e9j\u00e0 pressenti que des r\u00e9glages seraient n\u00e9cessaires avant l\u2019ouverture des d\u00e9bats. En effet, bien que des dispositions aient \u00e9t\u00e9 prises pour sonoriser la sc\u00e8ne du proc\u00e8s et pr\u00e9venir quelque d\u00e9sordre, \u00e0 la fa\u00e7on militaire, au regard de l\u2019affluence des spectateurs, les avocats constitu\u00e9s pour la d\u00e9fense des int\u00e9r\u00eats de la famille de M. Zogo ont longuement parlement\u00e9 pour trouver leur juste place dans la salle. Chose curieuse\u00a0: le greffe de la juridiction les voyait partout, sauf \u00e0 proximit\u00e9 du banc r\u00e9serv\u00e9 au commissaire du gouvernement o\u00f9 ils sont install\u00e9s d\u2019ordinaire au regard des usages judiciaires.<\/p>\n Cette m\u00e9prise n\u2019est pas pass\u00e9e inaper\u00e7ue, tout comme le silence du r\u00f4le de l\u2019audience sur les parties-civiles dans le proc\u00e8s, situation que le pr\u00e9sident du tribunal a relev\u00e9e d\u2019embl\u00e9e \u00e0 l\u2019attention du commissaire du gouvernement, le lieutenant-colonel Cerlin Belinga. Mais ce dernier, assist\u00e9 de trois substituts au total (Mme Ngwang Claudine, M. Tchatieu Kameni et le capitaine Ze Ekotto Freddy), s\u2019en est expliqu\u00e9 plus tard, exprimant son embarras notamment devant la multitude des groupes qui se pr\u00e9sentent devant lui comme des ayants-droit de Martinez Zogo (lire par ailleurs). Mais, c\u2019est une situation qui a donn\u00e9 lieu \u00e0 de vives protestations des avocats, Me Joseph Kenmoe, conseil de l\u2019une des \u00e9pouses de Martinez Zogo, regrettant que certains essaient de les \u00abfaire-passer pour des imposteurs\u00bb<\/em> et Me Calvin Job, conseil d\u2019une autre \u00e9pouse, d\u00e9clarant qu\u2019il n\u2019a \u00abjamais vu ailleurs un tel traitement des parties civiles\u00bb<\/em>.<\/p>\n La grosse hypoth\u00e8que \u00e0 l\u2019ouverture imm\u00e9diate des d\u00e9bats a sans doute r\u00e9sult\u00e9 des revendications quasi-unanimes de tous les avocats au sujet de l\u2019\u00e9galit\u00e9 (rompue) des armes entre les parties. En fait, les tomes volumineux du dossier de l\u2019affaire, visibles sur la table du commissaire du gouvernement, contrastaient avec la maigreur des chemises tenues par la plupart des conseils, qui ont successivement pris la parole pour demander qu\u2019ils soient autoris\u00e9s, \u00e0 leurs frais, \u00e0 obtenir une copie compl\u00e8te des pi\u00e8ces du dossier pour \u00eatre \u00e0 la m\u00eame page que le minist\u00e8re public avant le combat. Certains avocats ont d\u2019ailleurs pr\u00e9sent\u00e9, s\u00e9ance tenante, une demande \u00e9crite dans ce sens et d\u2019autres ont rappel\u00e9 avoir d\u00e9j\u00e0 pris, en vain jusque-l\u00e0, des initiatives analogues avant la date du proc\u00e8s. Des assurances ont \u00e9t\u00e9 donn\u00e9es par le parquet, que les attentes des avocats seraient honor\u00e9es dans le respect des dispositions l\u00e9gales en rapport avec la consultation du dossier ou l\u2019obtention des copies des pi\u00e8ces.<\/p>\n 17 t\u00e9moins pour JPAB<\/strong><\/p>\n Plusieurs avocats ont explicitement sollicit\u00e9 que l\u2019ouverture des d\u00e9bats soit ajourn\u00e9e au regard de l\u2019impossibilit\u00e9 pour eux de respecter le d\u00e9lai pr\u00e9vu par la proc\u00e9dure p\u00e9nale, soit cinq jour avant cette ouverture, pour la pr\u00e9sentation de la liste des t\u00e9moins de leurs clients. Le coll\u00e8ge des quatre avocats de M. Amougou B\u00e9linga, par la voix du b\u00e2tonnier Charles Tchoungang, avait d\u00e9j\u00e0 mis subtilement la pression sur les autres parties, en d\u00e9clarant avoir fait d\u00e9j\u00e0 mis \u00e0 la disposition de tous les acteurs une liste de 17 t\u00e9moins. Les \u00abretardataires\u00bb, particuli\u00e8rement les parties civiles qui ont dit avoir \u00e9t\u00e9 \u00e9cart\u00e9es de l\u2019instruction de l\u2019affaire et les avocats qui n\u2019ont \u00e9t\u00e9 constitu\u00e9 que depuis le renvoi en jugement de leurs clients, ont \u00e9voqu\u00e9 soit la difficult\u00e9 d\u2019acc\u00e9der au dossier, soit leur arriv\u00e9e tardive dans la proc\u00e9dure, pour dire qu\u2019il \u00e9tait n\u00e9cessaire de prendre connaissance des pi\u00e8ces du dossier pour \u00eatre en mesure d\u2019identifier efficacement des t\u00e9moins pour leurs clients.<\/p>\n De nombreuses autres demandes ont \u00e9t\u00e9 formul\u00e9es par les avocats pour lesquelles le commissaire du gouvernement entend r\u00e9pondre le moment venu, sans doute le temps pour lui d\u2019obtenir la non-objection de sa hi\u00e9rarchie, donc du ministre de la D\u00e9fense. Il en est ainsi de la suggestion faite par la d\u00e9fense de M. Amougou Belinga d\u2019avoir la possibilit\u00e9 de faire usage du mat\u00e9riel \u00e9lectronique (\u00e9cran, vid\u00e9oprojecteur et autres) pour les besoins du proc\u00e8s et de la demande controvers\u00e9e d\u2019un huis-clos partiel pour les d\u00e9bats formul\u00e9e par l\u2019avocat de l\u2019accus\u00e9 principal de l\u2019affaire, le lieutenant-colonel Danw\u00e9. Pour le reste, la suggestion d\u2019organiser le proc\u00e8s en session, c\u2019est-\u00e0-dire avec la possibilit\u00e9 de tenir des audiences en plusieurs jours d\u2019affil\u00e9s pour la c\u00e9l\u00e9rit\u00e9 des d\u00e9bats et compte tenu de ce que plusieurs avocats ne r\u00e9sident pas au Cameroun, voire \u00e0 Yaound\u00e9, ne semblent pas pos\u00e9s de v\u00e9ritables difficult\u00e9s.<\/p>\n Me Jean Pierre Buyle, avocat au barreau de Bruxelles et ancien b\u00e2tonnier, qui a formul\u00e9 la demande que son client, M. Eko Eko comparaisse libre par application de l\u2019ordonnance de main lev\u00e9e d\u2019office de son mandat d\u2019incarc\u00e9ration qui avait \u00e9t\u00e9 prise le 1er<\/sup> d\u00e9cembre 2023 par le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo, \u00e0 l\u2019\u00e9poque juge d\u2019instruction du dossier, s\u2019est heurt\u00e9 \u00e0 l\u2019opposition des avocats de certains ayants-droit de Martinez Zogo et du commissaire du gouvernement. L\u2019avocat Belge avait du reste demand\u00e9 qu\u2019une audience sp\u00e9ciale soit programm\u00e9e pour discuter des demandes de mise en libert\u00e9. M. Cerlin Belinga, reprenant une rengaine conforme \u00e0 l\u2019intrusion du ministre de la D\u00e9fense dans le dossier a d\u00e9clar\u00e9 que l\u2019ordonnance dont se pr\u00e9valait l\u2019avant de l\u2019ancien Dgre est un faux, qui n\u2019existe pas dans le dossier. Il n\u2019est pas s\u00fbr que cette demande, pour laquelle la d\u00e9fense de M. Amougou B\u00e9linga est rest\u00e9e curieusement muette, soit d\u00e9finitivement enterr\u00e9e. Le coll\u00e8ge des juges entend y r\u00e9pondre, ainsi qu\u2019\u00e0 toutes les autres observations et sollicitations des avocats le 15 avril 2024. Ce sera peut-\u00eatre l\u2019occasion pour les 17 accus\u00e9s de se faire v\u00e9ritablement entendre.<\/p>\n Deux veuves pour Martinez Zogo<\/strong><\/p>\n Ce qu\u2019on avait subodor\u00e9 au lendemain du d\u00e9c\u00e8s de l\u2019homme des m\u00e9dias, avec des divergences au sein de sa famille \u00e0 l\u2019occasion d\u2019une tentative d\u2019organisation de ses obs\u00e8ques, emble se confirmer lorsque deux coll\u00e8ges d\u2019avocats distincts se d\u00e9clarent au tribunal pour d\u00e9fendre les int\u00e9r\u00eats des ayants-droit de Martinez Zogo. Le premier coll\u00e8ge est compos\u00e9 par Me Job Calvin et Me Zeifman, des barreaux du Cameroun et de Paris. Il se constitue pour les int\u00e9r\u00eats de la compagne officielle du d\u00e9funt, Mme Arlette Diane Zogo, ses enfants et certains parents. Le second coll\u00e8ge, qui se compose de Me Joseph Kemwoe et de Me Manyim Jean-Pierre, avocats au barreau du Cameroun, qui d\u00e9fend les int\u00e9r\u00eats de cinq personnes au total dont Mme Zogo n\u00e9e Ndzi\u00e9 Doroth\u00e9e Marie, mari\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9tat-civil sous le r\u00e9gime de la monogamie et des biens communs avec l\u2019animateur radio, et les enfants du couple Zogo-Ndzi\u00e9. Il appara\u00eet donc que M. Zogo \u00e9tait polygame\u2026<\/p>\n A peine l\u2019annonce des constitutions des avocats pour les parties au proc\u00e8s est-elle achev\u00e9e que Me Singha Jean-Paul, conseil de M. Eko Eko, fait observer aux juges que \u00ables parties civiles n\u2019ont pas d\u00e9clar\u00e9 leurs qualit\u00e9s par rapport aux proc\u00e8s\u00bb<\/em>. Il estime que ce qui a \u00e9t\u00e9 dit n\u2019est pas suffisant. Le b\u00e2tonnier Tchoungang va lui embo\u00eeter le pas en jetant un doute sur les qualit\u00e9s de certains des ayants-droits d\u00e9clar\u00e9s. Parlant des actes de mariage et actes de naissance d\u00e9pos\u00e9s par les conseils des concern\u00e9s, il estime que \u00abce sont des faux apparents \u00e9tablis \u00e0 la mairie d\u2019Ebebda\u00bb.<\/em> Le vieil avocat en veut pour preuve le fait que, sur ces actes, l\u2019appellation Martinez Zogo est \u00e9crite soit comme \u00e9poux, soit comme p\u00e8re. Or, pour lui, le d\u00e9funt qui avait pour nom d\u2019artiste Martinez Zogo, s\u2019appelle plut\u00f4t Mbani Zogo Ars\u00e8ne Salomon. C\u2019est une intervention qui va piquer au vif les coll\u00e8ges d\u2019avocats constitu\u00e9s s\u00e9par\u00e9ment pour les mis en cause.<\/p>\n Me Ziefman estime que le probl\u00e8me que ses contradicteurs interviennent de fa\u00e7on pr\u00e9matur\u00e9e, les d\u00e9bats n\u2019\u00e9tant pas encore ouverts et les qualit\u00e9s des parties civiles devant \u00eatre clarifi\u00e9es lorsque les ayants-droit feront la demande au tribunal d\u2019\u00eatre re\u00e7ues comme parties civiles. Puis, elle rappelle que \u00ables actes d\u2019\u00e9tat-civil sont vrais jusqu\u2019\u00e0 inscription de faux\u00bb.<\/em> Or, dit-elle, le tribunal n\u2019as pas re\u00e7u une contestation de la validit\u00e9 des actes auxquelles Me Tchoungang a fait r\u00e9f\u00e9rence. Elle dit aux juges qu\u2019ils ne sont pas comp\u00e9tents pour conna\u00eetre de la validit\u00e9 des actes d\u2019\u00e9tat civil. Me Joseph Kemwoe va, pour sa part, d\u00e9plorer que certains prennent la parole \u00abjuste pour railler le d\u00e9funt\u00bb. \u00abIl existe un certificat d\u2019individualit\u00e9\u00bb<\/em>, ajoute-t-il, qui montre que Zogo Martinez et Mbani Zogo sont la m\u00eame personne. Il va d\u2019ailleurs donner lecture du contenu de la carte nationale d\u2019identit\u00e9 du d\u00e9funt, \u00e9tablie le 3 mai 2015, dans laquelle il s\u2019appelle Martinez Zogo.<\/p>\n Dans une autre s\u00e9rie de prises de parole, Me Zeifman et Me Job vont dire que le d\u00e9bat soulev\u00e9 est r\u00e9gl\u00e9 par l\u2019ordonnance de renvoi. Dans ce document qui est en fait le rapport de l\u2019enqu\u00eate judiciaire, il est \u00e9crit, s\u2019agissant du d\u00e9funt, qu\u2019il s\u2019appelle \u00abMbani Zogo Ars\u00e8ne Salomon dit Martinez Zogo\u00bb. Et que cette ordonnance comporte dans toutes ses pages le nom de Martinez Zogo. Pour autant, le commissaire du gouvernement va dire sa difficult\u00e9 \u00e0 se prononcer sur les parties civiles compte tenu de tout ce qui a \u00e9t\u00e9 \u00e9voqu\u00e9. Cela justifie, dit-il, pourquoi il a eu du mal \u00e0 prendre en compte les constitutions de parties civiles annonc\u00e9es au cours de l\u2019instruction et \u00e0 indiquer lesdites parties dans le r\u00f4le de l\u2019affaire, tel que relev\u00e9 par le pr\u00e9sident du tribunal d\u00e8s le d\u00e9but de l\u2019audience. On attendra donc que le tribunal se prononce sur ce probl\u00e8me lors de la prochaine audience pour clore le d\u00e9bat.<\/p>\n La Dgre l\u00e2che-t-elle ses hommes\u00a0?<\/strong><\/p>\n Dans la phase d\u2019enregistrement des constitutions des avocats pour les parties, Me Assira Engoute Claude Bernard a \u00e9t\u00e9 le dernier \u00e0 prendre la parole. Sa place dans l\u2019espace r\u00e9serv\u00e9 aux conseils des parties civiles avait d\u00e9j\u00e0 quelque chose d\u2019intrigant pour ce citoyen connu pour ses positions iconoclastes, et qu\u2019on a surtout remarqu\u00e9 par le pass\u00e9 dans son office au profit des personnes en conflit avec l\u2019Etat, notamment en mati\u00e8re de d\u00e9tournement des deniers publics. Et alors que tous ses pr\u00e9d\u00e9cesseurs ont sacrifi\u00e9 \u00e0 l\u2019exercice en d\u00e9livrant au tribunal une lettre de constitution en bonne et due forme, l\u2019avocat a simplement dit aux juges qu\u2019il annon\u00e7ait \u00aboralement\u00bb sa constitution pour le compte de l\u2019Etat, avec \u00e0 ses c\u00f4t\u00e9s son confr\u00e8re Me Whyly Nikefack. Il a \u00e9voqu\u00e9 les articles 13 et 5 du code de justice militaire et 385 du code de proc\u00e9dure p\u00e9nale pour justifier sa constitution. Selon l\u2019article 385(1) dudit code, \u00abtoute personne qui pr\u00e9tend avoir subi un pr\u00e9judice du fait d\u2019une infraction peut se constituer partie civile \u00e0 l\u2019audience, par conclusions \u00e9crites ou d\u00e9clarations orales\u00bb<\/em>.<\/p>\n Me Jacques Mbuny, avocat du lieutenant-colonel Justin Danw\u00e9, s\u2019est en effet interrog\u00e9 sur la fa\u00e7on dont son confr\u00e8re venait d\u2019annoncer sa constitution. \u00abOn sait qu\u2019il y a un pr\u00e9alable pour la constitution des conseils de l\u2019Etat et ce pr\u00e9alable n\u2019est pas encore rempli ici\u00bb<\/em>, a dit Me Mbuny, invitant aussit\u00f4t le tribunal \u00e0 \u00abmettre entre parenth\u00e8ses la constitution de Me Assira\u00bb.<\/em> Et Me Charles Tchoungang a soulev\u00e9 une autre pr\u00e9occupation par rapport \u00e0 cette constitution\u00a0: \u00abQui agit pour le compte de l\u2019Etat du Cameroun\u00a0? Le ministre de la D\u00e9fense\u00a0? La Dgre\u00a0? La pr\u00e9sidence de la R\u00e9publique\u00a0?\u00bb<\/em>, s\u2019est-il interrog\u00e9. En m\u00eame temps qu\u2019il a salu\u00e9 cette constitution responsable \u00abcomme civilement responsable\u00bb,<\/em> il a fait observer que certains mis en cause sont devant la justice \u00abdans le cadre de leurs fonctions\u00bb <\/em>et s\u2019est demand\u00e9 si l\u2019Etat ne fuyait pas ses responsabilit\u00e9s en constituant avocat.<\/em> Sur ce point, le vieil avocat a dit attendre des \u00abpr\u00e9cisions n\u00e9cessaires\u00bb<\/em> pour affiner la strat\u00e9gie de d\u00e9fense de son client.<\/p>\n Pour Me Pepouere qui est intervenu dans ce d\u00e9bat \u00e0 la suite, \u00abla pr\u00e9sence de l\u2019Etat dans la proc\u00e9dure en cours est imp\u00e9rative. Il faudrait savoir qui paiera la note\u00bb<\/em>, a-t-il ajout\u00e9, en demandant quand m\u00eame que l\u2019identit\u00e9 de l\u2019institution qui parle au nom de l\u2019Etat soit clarifi\u00e9e. Me Joseph Kenmoe, l\u2019avocat de l\u2019une des veuves de Martinez Zogo et de ses enfants a pour sa part demand\u00e9 au tribunal de \u00abciter formellement l\u2019Etat comme civilement responsable dans cette proc\u00e9dure\u00bb<\/em>, en pr\u00e9cisant que \u00abl\u2019Etat qui est mis en cause dans la proc\u00e9dure\u00bb<\/em>.<\/p>\n En reprenant la parole pour r\u00e9agir aux observations de ses confr\u00e8res, Me Assira Engout\u00e9 a d\u00e9clar\u00e9 qu\u2019il trouvait \u00abind\u00e9cent et cynique que certains viennent \u00e0 contester les constitutions des parties civiles\u00bb<\/em>. Se d\u00e9solant, sans le citer, que Me Mbuny n\u2019ait pas indiqu\u00e9 comment se fait la constitution d\u2019avocat pour le compte de l\u2019Etat, il a insist\u00e9 pour dire que le code de proc\u00e9dure p\u00e9nale est l\u2019\u00e9l\u00e9ment qui d\u00e9crit comment les choses se font. L\u2019avocat de l\u2019Etat ajoute en plus, \u00e0 l\u2019attention de Me Tchoungang, que \u00abl\u2019Etat est la seule personne morale qu\u2019on puisse conna\u00eetre\u00bb<\/em>, puisque, pr\u00e9cise-t-il pour montrer qu\u2019il est superflu d\u2019exiger plus de pr\u00e9cision sur qui il repr\u00e9sente, \u00abla seule entit\u00e9 qui a une personnalit\u00e9, c\u2019est l\u2019Etat du Cameroun et lui seul\u00bb<\/em>, et non ses diff\u00e9rents d\u00e9membrements cit\u00e9s.<\/p>\n L\u2019avocat et enseignant de proc\u00e9dure p\u00e9nale \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 catholique d\u2019Afrique centrale va ensuite vigoureusement contester le propos de l\u2019ancien b\u00e2tonnier qui a dit attendre les pr\u00e9cisions dur l\u2019entit\u00e9 de l\u2019Etat qui a constitu\u00e9 avocat pour affiner sa strat\u00e9gie de d\u00e9fense de son client. \u00abIl n\u2019y a pas de strat\u00e9gie\u00bb, <\/em>dit Me Assira, en pr\u00e9cisant qu\u2019on \u00abest l\u00e0 pour la manifestation de la v\u00e9rit\u00e9. Et elle doit \u00eatre la m\u00eame qu\u2019importe le nom qu\u2019on donne \u00e0 l\u2019Etat.\u00bb <\/em>Cette prise de parole va presque r\u00e9volter Me Mbuny, qui arrache quasiment le micro pour r\u00e9agir\u00a0: \u00abMe Assira ne peut pas venir dire ici, comme s\u2019il parlait aux \u00e9tudiants, que je me constitue pour l\u2019Etat du Cameroun sans aucun document. Lorsque vous d\u00e9fendez l\u2019Etat du Cameroun, vous devez avoir un mandat\u00bb<\/em>. Pour \u00e9touffer rapidement l\u2019incendie qui prend, le pr\u00e9sident du tribunal va donner lecture de la lettre du patron de la Dgre, dat\u00e9e du 15 mars 2054 et class\u00e9e dans le dossier, par laquelle Me Assira et Me Whyly Nikefack sont constitu\u00e9s.<\/p>\n Le d\u00e9bat, d\u00e8s ce moment, est moins celui de la r\u00e9gularit\u00e9 de la constitution des avocats de l\u2019Etat (ou de la Dgre) que celui des cons\u00e9quences d\u2019une telle d\u00e9cision. \u00abLa Dgre abandonne ses anciens employ\u00e9s et s\u2019octroie le statut de victime\u00bb, commente Me Tchoungang. \u00abVous devez analyser cette situation : quelle est le statut des avocats de la Dgre dans ce dossier ?\u00bb, s\u2019interroge encore l\u2019ancien b\u00e2tonnier dans une forme d\u2019insistance qui traduit \u00e0 la fois une forme de surprise et de contestation de la situation par l\u2019avocat de M. Amougou B\u00e9linga. Me Mbuny, dans le m\u00eame esprit, se r\u00e9jouira de la clarification pour laisser supposer que son client, le lieutenant-colonel Justin Danw\u00e9, ne se privera pas de servir au public des secrets d\u2019Etat (lire par ailleurs), encourag\u00e9 par le positionnement de la Dgre et de l\u2019Etat, qui entendent laver par le proc\u00e8s en cours leur image ternie par l\u2019affaire Martinez Zogo.<\/p>\n Retransmission m\u00e9diatique des d\u00e9bats ou huis-clos\u00a0?<\/strong><\/p>\n Avant m\u00eame l\u2019ouverture de l\u2019audience de l\u2019affaire Martinez Zogo, le tribunal militaire a pris des dispositions pour une meilleure sonorisation de la salle d\u2019audience de nature \u00e0 favoriser un bon suivi des d\u00e9bats pour les personnes pr\u00e9sentes. Cette pr\u00e9caution ne semble pas suffisante pour le b\u00e2tonnier Tchoungang, ce dernier ayant du reste d\u00e9j\u00e0 d\u00e9voil\u00e9 depuis quelques jours la volont\u00e9 de son client d\u2019obtenir que les d\u00e9bats tout au long du proc\u00e8s soient retransmis \u00e0 la radio et \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision pour assurer leur totale transparence et pr\u00e9venir ainsi ce que les proches de l\u2019homme d\u2019affaires consid\u00e8rent comme un acharnement du juge d\u2019instruction \u00e0 son \u00e9gard. Au cours de ses observations pr\u00e9alables \u00e0 l\u2019ouverture des d\u00e9bats, le vieil avocat expose cette demande.<\/p>\n \u00abCompte-tenu de l\u2019implication extraordinaire des m\u00e9dias et du public (dans l\u2019affaire Martinez Zogo), dit l\u2019ancien b\u00e2tonnier au tribunal, nous sollicitons qu\u2019un ou deux chaines nationales soient autoris\u00e9es \u00e0 diffuser ce proc\u00e8s. Nous voulons que la v\u00e9rit\u00e9 apparaisse au grand jour.\u00bb Il ajoute qu\u2019\u00e0 d\u00e9faut pour les juges d\u2019ordonner cette mesure, \u00abpour l\u2019histoire et pour la v\u00e9rit\u00e9 de la justice\u00bb<\/em>, il sollicite l\u2019enregistrement des d\u00e9bats \u00abquitte \u00e0 le soumettre \u00e0 un embargo de dix ans par exemple\u00bb.<\/em> Pour lui, le proc\u00e8s qui s\u2019ouvre n\u2019est pas en mesure de d\u00e9montrer ce qui s\u2019est concr\u00e8tement pass\u00e9 le 17 janvier 2023, jour de l\u2019enl\u00e8vement, voire de la mort de M. Zogo. Me Ofomo Toueli Justin, l\u2019un des conseils de M. Eko Eko, ne tarde pas \u00e0 emboiter le pas \u00e0 Me Tchoungang\u00a0: \u00able proc\u00e8s retransmis va accro\u00eetre le caract\u00e8re public des d\u00e9bats\u00bb<\/em>, dit-il.<\/p>\n Me Mbuny, l\u2019avocat du lieutenant-colonel Justin Danw\u00e9 a un autre son de cloche\u00a0: \u00abIl est dangereux que ce proc\u00e8s soit totalement public\u00bb<\/em>, affirme-t-il, apr\u00e8s avoir rappel\u00e9 qu\u2019au cours des travaux de la commission mixte police-gendarmerie, son client \u00abne pouvait pas dire certaines choses\u00bb. \u00abEst-ce que nous pouvons nous d\u00e9lier de toute r\u00e9serve, m\u00eame des secrets d\u2019Etat\u00a0?\u00bb<\/em>. Pour lui, cela rel\u00e8ve de l\u2019impossible. Il demande au tribunal de s\u2019appuyer sur l\u2019article 302 alin\u00e9a 2 du code de proc\u00e9dure p\u00e9nale pour que les juges d\u00e9cident par jugement avant dire droit qu\u2019il y ait une frange des d\u00e9bats, lorsqu\u2019il sera question de parler du fonctionnement de la Dgre, \u00abque cela soit fait \u00e0 huis-clos\u00bb, propose cet avocat.<\/p>\n Me Seri Simplice Zokou, autre avocat de M. Eko Eko, inscrit au barreau de Buxelles, estime que la demande de Me Mbuny ne peut pas \u00eatre une mesure de principe qui se prend \u00e0 priori, tant que le tribunal n\u2019a pas constat\u00e9 par lui-m\u00eame que les d\u00e9bats troublent \u00e0 l\u2019ordre public. Le principe, rappelle-t-il, c\u2019est la publicit\u00e9 des d\u00e9bats. \u00abIl ne faut pas c\u00e9der \u00e0 une forme de chantage. Il n\u2019y a plus de secret \u00e0 l\u2019endroit de la Dgre\u00bb<\/em>, poursuit le juriste, rappelant que le dossier est dans la presse et dans les r\u00e9seaux sociaux. \u00abJe ne vois pas quel p\u00e9ril on voudrait faire \u00e9viter \u00e0 ce service et \u00e0 ce pays aujourd\u2019hui\u00bb,<\/em> insiste-t-il. Et pour clore sa prise de parole, Me Zokou va rappeler aux juges que son client, Eko Eko, \u00abn\u2019a jamais d\u00e9rog\u00e9 \u00e0 son obligation de r\u00e9serve\u00bb.<\/em> Il est rest\u00e9 \u00abdigne\u00bb<\/em> depuis les enqu\u00eates, dit-il, pour sugg\u00e9rer que ce n\u2019est pas de lui qu\u2019on pourrait attendre des d\u00e9clarations tonitruantes.<\/p>\n Sur le banc de la partie civile, l\u2019id\u00e9e d\u2019un huis clos des d\u00e9bats ne passe pas. Ni pour Me Job, qui d\u00e9fend les int\u00e9r\u00eats de certains ayants-droit suppos\u00e9s de Martinez Zogo et qui est d\u2019accord avec la proposition faite par Charles Tchoungang, encore moins pour Me Assira qui d\u00e9cide de mettre les pieds dans le plat par rapport \u00e0 la question d\u00e9battue. \u00abSi vous restreignez la publicit\u00e9 des d\u00e9bats,<\/em> dit-il aux juges, vous allez donner la possibilit\u00e9 aux seuls qui ont acc\u00e8s aux r\u00e9seaux sociaux de diffuser leur v\u00e9rit\u00e9. Je suis \u00e9tonn\u00e9 qu\u2019on \u00e9voque des secrets d\u2019Etat. C\u2019est l\u2019Etat qui doit lui-m\u00eame se prot\u00e9ger. Nous demandons que vous ne restreigniez en aucune des fa\u00e7ons les d\u00e9bats\u00bb. Rappelant qu\u2019une bonne partie des accus\u00e9s sont des agents de l\u2019Etat qui sont d\u00e9tenteurs, de ce fait, d\u2019un mandat de ce dernier, il dit que \u00absi un mandat de l\u2019Etat a \u00e9t\u00e9 mal utilis\u00e9, il va falloir que cela se sache. Le peuple a le droit de savoir ce qui s\u2019est fait\u00bb.<\/em><\/p>\n Apr\u00e8s cette sortie, Me Mbuny, partisan du huis-clos au d\u00e9part, est oblig\u00e9 d\u2019abandonner. Il retire sa demande, constatant qu\u2019il s\u2019est fait plus royaliste que le roi et laissant-croire que son client ne manquera pas de se glisser dans la br\u00e8che ouverte. Le public ne boude pas son plaisir.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Par Christophe Bobiokono \u2013 cbobio@gmail.com C\u2019est peut-\u00eatre le 15 avril prochain que les 17 accus\u00e9s de l\u2019affaire Martinez Zogo auront la possibilit\u00e9 de r\u00e9pondre \u00e0 la question rituelle des juges charg\u00e9 de l\u2019examen de leur dossier, pour dire s\u2019ils plaident coupable ou non coupable des faits qui leurs sont reproch\u00e9s au sujet de la mort […]<\/p>\n","protected":false},"author":3,"featured_media":4237,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"jnews-multi-image_gallery":[],"jnews_single_post":{"source_name":"","source_url":"","via_name":"","via_url":"","override_template":"0","override":[{"template":"1","single_blog_custom":"","parallax":"1","fullscreen":"1","layout":"right-sidebar","sidebar":"default-sidebar","second_sidebar":"default-sidebar","sticky_sidebar":"1","share_position":"top","share_float_style":"share-monocrhome","show_share_counter":"1","show_view_counter":"1","show_featured":"1","show_post_meta":"1","show_post_author":"1","show_post_author_image":"1","show_post_date":"1","post_date_format":"default","post_date_format_custom":"Y\/m\/d","show_post_category":"1","show_post_reading_time":"1","post_reading_time_wpm":"300","show_zoom_button":"0","zoom_button_out_step":"2","zoom_button_in_step":"3","show_post_tag":"1","show_prev_next_post":"1","show_popup_post":"1","number_popup_post":"1","show_author_box":"1","show_post_related":"1","show_inline_post_related":"0"}],"override_image_size":"0","image_override":[{"single_post_thumbnail_size":"crop-500","single_post_gallery_size":"crop-500"}],"trending_post":"0","trending_post_position":"meta","trending_post_label":"Trending","sponsored_post":"0","sponsored_post_label":"Sponsored by","sponsored_post_name":"","sponsored_post_url":"","sponsored_post_logo_enable":"0","sponsored_post_logo":"","sponsored_post_desc":"","disable_ad":"0"},"jnews_primary_category":{"id":"","hide":""},"jnews_override_bookmark_settings":{"override_bookmark_button":"0","override_show_bookmark_button":"0"},"jnews_social_meta":[],"jnews_paywall_metabox":{"enable_premium_post":"0","paragraph_limit":"2","enable_preview_post":"0","preview_textbox":"","nonce":"b02d3ba82e"},"jnews_review":[],"enable_review":"0","type":"percentage","name":"","summary":"","brand":"","sku":"","good":[{"good_text":""}],"bad":[{"bad_text":""}],"score_override":"0","override_value":"","rating":[{"rating_text":"","rating_number":"10"}],"price":[{"shop":"","price":"","link":"","icon":""}],"jnews_override_counter":{"override_view_counter":"0","view_counter_number":"0","override_share_counter":"0","share_counter_number":"0","override_like_counter":"0","like_counter_number":"0","override_dislike_counter":"0","dislike_counter_number":"0"},"footnotes":""},"categories":[29,35],"tags":[],"class_list":["post-5366","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-featured","category-laffaire"],"yoast_head":"\n