{"id":1384,"date":"2021-08-10T11:44:33","date_gmt":"2021-08-10T10:44:33","guid":{"rendered":"https:\/\/kalarahebdo.net\/?p=1384"},"modified":"2021-08-17T12:59:46","modified_gmt":"2021-08-17T11:59:46","slug":"trois-colonels-se-battent-pour30-millions-de-f","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/kalarahebdo.net\/trois-colonels-se-battent-pour30-millions-de-f\/","title":{"rendered":"Trois colonels se battent pour30 millions de F."},"content":{"rendered":"
Par Christophe Bobiokono \u2013 cbobio@gmail.com<\/strong><\/p>\n Ce n\u2019est pas courant de voir des officiers sup\u00e9rieurs de l\u2019arm\u00e9e dans les affaires, du moins au grand jour. Deux d\u2019entre eux ont pourtant tent\u00e9 l\u2019exp\u00e9rience au soir de leurs carri\u00e8res professionnelles sous les drapeaux. H\u00e9las, mal leur en a pris au point o\u00f9 ils se mordent les doigts \u00e0 ce jour. Leur r\u00eave commun de participer \u00e0 une affaire qui pourrait leur permettre d\u2019arrondir leurs fins de mois ou, mieux, de s\u2019enrichir r\u00e9ellement, a vir\u00e9 au cauchemar. Et leur bourreau n\u2019est personne d\u2019autre qu\u2019un de leur camarade d\u2019armes, lui-aussi colonel de l\u2019arm\u00e9e. Au point o\u00f9 les trois colonels en sont venus \u00e0 se livrer bataille depuis deux ans devant les pr\u00e9toires. Une affaire rocambolesque.<\/p>\n C\u2019est en fait l\u2019histoire des colonels Jonas Hiehies et J\u00e9r\u00e9mie Ndjeheya, tous les deux magistrats-militaires et aujourd\u2019hui \u00e0 la retraite. Ils s\u2019opposent depuis 2019 au colonel Jean Mahi, encore en activit\u00e9 comme commandant de l\u2019Ecole de la logistique de l\u2019arm\u00e9e, mais qui occupe aussi les fonctions de directeur de la Soci\u00e9t\u00e9 maritime d\u2019Ing\u00e9nierie et de Services (Smis), une entreprise priv\u00e9e ayant son si\u00e8ge dans la ville d\u2019Ed\u00e9a. Les deux premiers colonels cit\u00e9s avaient mobilis\u00e9s en tout 30 millions de francs qu\u2019ils avaient confi\u00e9s \u00e0 leur \u00abami\u00bb<\/em> pour le d\u00e9veloppement d\u2019une entreprise commune. Leur argent a disparu des caisses de l\u2019entreprise sans laisser de trace. Malgr\u00e9 une d\u00e9cision de justice condamnant celui qui est finalement devenu leur adversaire, ce dernier refuse de s\u2019ex\u00e9cuter.<\/p>\n Il faut remonter \u00e0 l\u2019ann\u00e9e 2012 pour comprendre le probl\u00e8me qui oppose les trois officiers sup\u00e9rieurs. Cette ann\u00e9e-l\u00e0, le colonel Mahi, qui est d\u00e9j\u00e0 engag\u00e9 dans le monde des affaires, convainc ses deux a\u00een\u00e9s de s\u2019associer \u00e0 lui dans le d\u00e9veloppement d\u2019une activit\u00e9 lucrative, notamment un projet de cr\u00e9ation d\u2019une carri\u00e8re de sable \u00e0 Pongo Pitti, localit\u00e9 de l\u2019arrondissement de Dizangu\u00e9 dans la Sanaga Maritime. Se sachant bient\u00f4t \u00e0 la porte de la retraite et soucieux de trouver une voie de reconversion, Jonas Hiehies et J\u00e9r\u00e9mie Ndjeheya n\u2019h\u00e9sitent pas \u00e0 mordre \u00e0 l\u2019app\u00e2t. C\u2019est une bonne perche que leur tend une vieille connaissance, croient-ils. Une \u00e9norme erreur au vu de la suite des choses\u2026<\/p>\n Virements bancaires<\/strong><\/p>\n Chacun des officiers sup\u00e9rieurs doit en fait contribuer \u00e0 hauteur de 15 millions de francs pour la mise en \u0153uvre du projet dont le colonel Mahi est la t\u00eate de proue. All\u00e9ch\u00e9s par l\u2019id\u00e9e d\u2019avoir rapidement une source financi\u00e8re, M. Hiehies et M. Ndjeheya vont rapidement mettre \u00e0 la disposition de leur ami commun la somme totale de 30 millions de francs par virements bancaires dont le premier est effectu\u00e9 le 31 ao\u00fbt 2012. Sauf que le projet ne va jamais voir le jour. Apr\u00e8s deux ann\u00e9es \u00e0 attendre calmement de voir que l\u2019investissement projet\u00e9 se concr\u00e9tise, les deux magistrats-militaires se d\u00e9cident en 2014 de se faire rembourser leurs avoirs. En r\u00e9ponse \u00e0 la lettre qu\u2019il re\u00e7oit de ses amis, le colonel Mahi va leur faire part des difficult\u00e9s qu\u2019il dit rencontrer dans la mise en \u0153uvre du projet.<\/p>\n Dans une correspondance du 10 octobre 2014 consult\u00e9e par Kalara<\/em>, le patron de la soci\u00e9t\u00e9 Smis explique qu\u2019il avait mis\u00e9 sur une \u00e9quipe de 5 associ\u00e9s pour un apport de 15 millions de francs chacun, de fa\u00e7on \u00e0 collecter au total 75 millions de francs pour r\u00e9aliser l\u2019investissement projet\u00e9. Il dit n\u2019avoir finalement r\u00e9colt\u00e9 que 45 millions de francs, c\u2019est-\u00e0-dire les contributions des deux autres colonels et la sienne. Il liste des \u00abd\u00e9penses effectu\u00e9es\u00bb avec cette cagnotte pour une sortie globale de 38,35 millions de francs, \u00absoit 20 millions pour les frais de dossier, 16 millions pour les constructions qui sont inachev\u00e9es, 500 mille pour la fabrication de deux pirogues (avec lesquelles on devait commencer directement la production du sable), un million pour la descente de la commission pr\u00e9fectorale\u00bb<\/em>, etc. Il pr\u00e9cise avoir engag\u00e9 le reste des fonds \u00abpour d\u2019autres projets de l\u2019entreprise, esp\u00e9rant ainsi multiplier les chances de financement du projet de sable\u00bb<\/em>.<\/p>\n Tout en estimant \u00e0 97 millions de francs le volume des cr\u00e9ances que son entreprise d\u00e9tiendrait sur certains de ses partenaires pas forc\u00e9ment de bonne foi, il dit continuer de croire au projet du sable. \u00abLe promoteur reste optimiste et ne voudrait en aucun cas qu\u2019une affaire amicale et fraternelle ne devienne la pomme de discorde entre de vieux fr\u00e8res et amis\u00bb,<\/em> \u00e9crit-il, avant de proposer une nouvelle mobilisation des associ\u00e9s pour l\u2019aboutissement du projet. \u00abMais si vous tenez \u00e0 vous d\u00e9sengager de l\u2019affaire comme enjoint dans votre lettre ci-jointe, nous trouverons une solution avec le recouvrement en cours, pour vous rembourser en priorit\u00e9\u00bb. <\/em>Un remboursement qui sera attendu en vain, jusqu\u2019en 2019, malgr\u00e9 une mise en demeure formelle dat\u00e9e du 14 d\u00e9cembre 2017.<\/p>\n Le 27 ao\u00fbt 2019, les colonels Jonas Hiehies et J\u00e9r\u00e9mie Ndjeheya engagent finalement une proc\u00e9dure judiciaire contre leur \u00abami et fr\u00e8re\u00bb. Par l\u2019entremise de leur avocat, ils d\u00e9posent une plainte avec constitution de partie civile devant les tribunaux de premi\u00e8re et grande instance de la Sanaga Maritime \u00e0 Ed\u00e9a pour abus de confiance. Une enqu\u00eate judiciaire est ouverte au bout de laquelle le colonel Mahi est renvoy\u00e9 en jugement par ordonnance de renvoi du 27 avril 2020 devant le tribunal de premi\u00e8re instance d\u2019Ed\u00e9a pour escroquerie (article 318 alin\u00e9a 1c), apr\u00e8s requalification des faits. Le proc\u00e8s va tourner \u00e0 l\u2019avantage des plaignants, tant la version des faits donn\u00e9e par le promoteur de Smis Sarl est truff\u00e9es d\u2019inexactitudes mises en \u00e9vidence lors d\u2019une descente du tribunal aussi bien au greffe du TPI d\u2019Ed\u00e9a qu\u2019\u00e0 l\u2019agence Bicec de Kribi, la banque de l\u2019entreprise, pour v\u00e9rifier certaines informations.<\/p>\n Descente sur le terrain<\/strong><\/p>\n Il ressort de cette mesure d\u2019instruction du tribunal que, contrairement aux d\u00e9clarations de M. Mahi laissant entendre qu\u2019une bonne partie des fonds re\u00e7us de ses partenaires avaient aid\u00e9 au montage de la soci\u00e9t\u00e9 (dossier) aux visites des autorit\u00e9s, Smis Sarl avait \u00e9t\u00e9 mise sur pied depuis 2007. Les activit\u00e9s pr\u00e9sent\u00e9es comme ayant \u00e9t\u00e9 men\u00e9es apr\u00e8s l\u2019entr\u00e9e en jeu des deux autres colonels, donc avec leurs contributions financi\u00e8res, avaient \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9es avant leur rencontre avec M. Mahi en ao\u00fbt 2012. Il en est ainsi de la descente du pr\u00e9fet de la Sanaga Maritime sur le site de la carri\u00e8re (8 novembre 2011), celle du d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 d\u00e9partemental des Mines et du D\u00e9veloppement technologique (7 janvier 2012). L\u2019autorisation pr\u00e9fectorale accord\u00e9e \u00e0 la Smis Sarl pour l\u2019exploitation de la carri\u00e8re de sable date du 21 mars 2012.<\/p>\n Le d\u00e9tour du tribunal \u00e0 la Bicec lui a permis non seulement de constater que le colonel Mahi n\u2019avait jamais vers\u00e9 sa contribution de 15 millions de francs pour participer \u00e0 l\u2019investissement, contrairement \u00e0 ses d\u00e9clarations, mais il proc\u00e9dait rapidement au retrait en esp\u00e8ces sonnantes et tr\u00e9buchantes des sommes vir\u00e9es dans le compte de l\u2019entreprise par les deux autres colonels. Pour Me Jean-Claude Midelel, avocat des plaignants, \u00abM. Mahi n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 dans la perspective de rembourser les parties civiles (plaignants) et son attitude prouve \u00e0 suffire qu\u2019il n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9, ni dans l\u2019intention de mettre en forme l\u2019entreprise projet\u00e9e pour laquelle il a re\u00e7u les 30 millions de francs, mais encore moins de s\u2019inscrire dans un processus de remboursement qui aurait montr\u00e9 sa bonne foi\u00bb<\/em>. L\u2019avocat demande que M. Mahi soit sanctionn\u00e9.<\/p>\n Ce sont des constats qui vont peser lourd au moment o\u00f9 le tribunal juge de la culpabilit\u00e9 de M. Mahi. Il est d\u00e9clar\u00e9 coupable d\u2019escroquerie le 26 avril 2021 et condamn\u00e9 \u00e0 un an de prison avec sursis pendant trois ans. Le tribunal alloue par ailleurs \u00e0 ses adversaires la somme de 40 millions de francs au titre de dommage-int\u00e9r\u00eats. Dans le d\u00e9tail, le pr\u00e9judice mat\u00e9riel est estim\u00e9 \u00e0 15 millions de francs pour chacun des plaignants, le pr\u00e9judice financier \u00e0 3 millions de francs et le pr\u00e9judice moral \u00e0 2 millions de francs. Les colonels Jonas Hiehies et J\u00e9r\u00e9mie Ndjeheya avaient sollicit\u00e9 30 millions \u00e0 titre de pr\u00e9judice moral. Les frais de justice sont mis \u00e0 la charge du colonel Mahi, qui d\u00e9cide de relever appel de ce jugement. La suite de l\u2019affaire reste attendue.<\/p>\n <\/p>\n Des infractions contre la fortune d\u2019autrui<\/strong><\/p>\n Article 318.- vol, abus de confiance, escroquerie<\/u><\/strong><\/p>\n Est puni d\u2019un emprisonnement de cinq (5) \u00e0 dix (10) ans et d\u2019une amende de cent mille (100.000) \u00e0 un million (1.000.000) de francs, celui qui porte atteinte \u00e0 la fortune d\u2019autrui.<\/p>\n (c) par escroquerie, c\u2019est-\u00e0-dire en d\u00e9terminant fallacieusement la victime soit par des man\u0153uvres, soit en affirmant ou dissimulant un fait.<\/p>\n La juridiction peut, en outre, prononcer les d\u00e9ch\u00e9ances de l\u2019article 30 du pr\u00e9sent code.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Par Christophe Bobiokono \u2013 cbobio@gmail.com Ce n\u2019est pas courant de voir des officiers sup\u00e9rieurs de l\u2019arm\u00e9e dans les affaires, du moins au grand jour. 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